Vendredi
Les commentateurs qui ont vu dans le nouveau premier ministre une sorte de Mister Nobody, simple ensemblier des décisions du président de la République risquent d’en être pour leurs frais. Le poste de premier ministre dans son acception française est d’une profonde originalité. En Europe, l’exécutif est détenu en général par un homme ou une femme directement issu du scrutin législatif et ne procédant que de cette légitimité parlementaire.
Nous avons choisi en ce que le doyen Georges Vedel appelait un « bicéphalisme administratif » et Maurice Duverger – autre pape du droit public – un régime « semi-présidentiel ». Nombreux sont ceux qui voudraient occire cette exception française. Ils pourraient le regretter. Le choix est simple. Soit nous revenons à un régime parlementaire et nous devrons renoncer à élire le président de la République au suffrage universel, et l’on voit mal les Français renoncer à cette prérogative, soit nous allons vers un régime présidentiel à l’américaine en supprimant le poste de premier ministre et nous ne ferions que renforcer un pouvoir présidentiel jugé par certains trop étendu. Préservons donc ce particularisme institutionnel au lieu de tirer des plans sur la comète en imaginant qu’un premier ministre n’a le choix qu’entre l’asservissement ou la confrontation. La loyauté qui fonde un pacte de gouvernance n’est pas un agenouillement. Jean Castex est un homme d’honneur, un serviteur de l’Etat. On pourra le combattre, il sera difficile de ne pas l’apprécier.
P.-S. Au fait, il ne semblait pas trop chagrin de quitter l’Hôtel de Matignon. Pour tout dire, Edouard Philippe semblait même au bord de la jubilation, ce qui tranchait avec ce flegme british qui le caractérise habituellement. A croire que ceux qui décrivent le lieu imaginé par l’architecte Jean Courtonne comme une gare où un train déraille tous les quarts d’heure exagèrent à peine.