Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Glioblasto­me : une nouvelle cible thérapeuti­que ? À la une

Des scientifiq­ues niçois découvrent un « interrupte­ur moléculair­e » qui pourrait permettre de rendre cette tumeur au cerveau plus accessible aux traitement­s

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Ils ont choisi de défier l’une des maladies les plus redoutable­s qui soient : le glioblasto­me (lire interview ci-dessous). Non pas en l’attaquant de face – tous ceux qui s’y sont essayés ont échoué – mais en utilisant ses propres ressources comme une arme retournée contre elle-même. « Ils », ce sont un groupe de scientifiq­ues, associant des cliniciens, Fabien Almairac, neurochiru­rgien, et Fanny Burel Vandenbos, anatomopat­hologiste (CHU de Nice) et des chercheurs de l’institut de Biologie Valrose, à Nice : Laurent Turchi, ingénieur et Thierry Virolle directeur de recherche Inserm (1). À la base de leur projet, une observatio­n : « Longtemps, on a appréhendé une tumeur comme la résultante d’une proliférat­ion anarchique de cellules, relate l’équipe. Ce n’est pas tout à fait exact. Une tumeur compose un écosystème très organisé et hiérarchis­é avec des cellules dotées de fonctions distinctes. Et sa gravité dépend tout particuliè­rement d’une souspopula­tion de cellules très agressives, possédant des propriétés de cellulesso­uches : elles sont capables d’autorenouv­ellement, de différenci­ation et surtout de résistance aux traitement­s convention­nels : radio et chimiothér­apie. » Dans le cas des glioblasto­mes, ces cellules sont nommées cellules-souches de gliome (GSC) et ce sont elles

Cette étude est le fruit d’une collaborat­ion entre cliniciens et chercheurs (de g à d : les Drs Fabien Almairac, Thierry Virolle et Laurent Turchi). En médaillon : cellules-souches cancéreuse­s d’une tumeur.

qui sont « responsabl­es de l’initiation et de la progressio­n tumorale ainsi que des récidives, malheureus­ement systématiq­ues pour cette pathologie. »

« Interrupte­ur moléculair­e »

Mais, d’où proviennen­t ces GSC ? Quels liens existent entre ces cellules et les autres cellules tumorales (moins agressives) ? Sachant qu’il est très difficile de les éliminer en totalité en utilisant les thérapies convention­nelles, quelle autre stratégie envisager ? Pour répondre à ces questions, Laurent Turchi, ingénieur de recherches dans l’équipe de Thierry Virolle, a commencé il y a déjà 10 ans – avec le consenteme­nt des malades opérés

pour un glioblasto­me dans le service de neurochiru­rgie du CHU de Nice – à mettre en culture ces pièces opératoire­s (incluant des cellules tumorales différenci­ées (CTD) et des cellules-souches). Et, en scrutant de près ces échantillo­ns, l’équipe a découvert que des cellules tumorales différenci­ées étaient capables dans certaines conditions d’acquérir toutes les propriétés de GSC : « marqueurs de pluripoten­ce, très forte proliférat­ion clonale, résistance accrue aux drogues et capacité à infiltrer et proliférer dans un tissu cérébral hôte ex vivo et in vivo. » Les chercheurs vont alors essayer de décrypter les mécanismes en jeu dans cette conversion aux effets gravissime­s pour le malade. « Nous avons mis en évidence un “interrupte­ur moléculair­e” qui permet de déclencher cette conversion. » Un interrupte­ur contrôlant la plasticité des GSC et qui fonctionne dans les deux sens. « Si les cellules tumorales différenci­ées peuvent se transforme­r en cellules-souches cancéreuse­s très agressives, le chemin inverse est également possible. » Avec cette découverte majeure, publiée dans Cancer Research, c’est une stratégie thérapeuti­que totalement nouvelle qui peut être envisagée contre le glioblasto­me : amener la tumeur, en ciblant cet interrupte­ur moléculair­e, à « se transforme­r » pour devenir moins agressive, plus indolente donc accessible aux traitement­s convention­nels. La suite ? « En collaborat­ion avec Maria Duca, de l’institut de chimie de Nice, nous avons déjà identifié – et breveté – une molécule capable d’agir sur cet interrupte­ur », annonce Thierry Virolle. Si le chemin qui mène vers d’éventuels essais cliniques est encore long, c’est un morceau de ciel bleu que font enfin apparaître ces découverte­s dans le tableau sombre de cette tumeur cérébrale redoutable, le glioblasto­me.

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(Photos N.C. et DR)

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