Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Restituer un portefeuil­le avec   € : probité sans compter !

Ali, un sans domicile fixe fréjusien, a rendu un portefeuil­le oublié sur une table d’un restaurant raphaëlois. Hier, il a rencontré l’heureux propriétai­re, encore touché par ce geste

- ALEXANDRE PLUMEY aplumey@nicematin.fr

B «ien mal acquis ne profite jamais. » Cette phrase a trotté dans la tête d’Ali Ben Mokhtar et Mokhtar Selem, dimanche sur les coups de 22 heures devant le kebab O Délice, à Saint-Raphaël, à quelques encablures du bord de mer. Les deux cousins allaient se restaurer lorsqu’ils ont trouvé un portefeuil­le noir sur une table du restaurant. Avec, à l’intérieur, des papiers d’identité... Et surtout 1 505 euros en liquide ! Un contenant et un contenu que les deux hommes ont rapporté en intégralit­é, le soir même, au commissari­at de police de Fréjus. « Nous avons tout de suite voulu le rapporter, mais mon cousin, qui a vu le portefeuil­le en premier, n’a pas ses papiers français, alors il avait peur d’aller au commissari­at le déposer. C’est donc moi qui m’y suis rendu », rembobine Mokhtar Selem. Un geste remarquabl­e qui leur a, dans un premier temps, valu les louanges des forces de l’ordre puis les remercieme­nts d’Emilian Apetria. Ce grand gaillard roumain en vacances familiales à Fréjus s’était fait une raison : il ne reverrait plus son précieux étui. Les sous, encore moins. Et bien non.

« Je me suis mis dix secondes à sa place... »

Hier, le dentiste, installé dans l’Indre, a pu rencontrer avec son frère, ceux qui leur ont égayé leur séjour fréjusien, entamé la veille à cause d’un moment d’égarement. Devant l’établissem­ent raphaëlois, les quatre hommes se sont retrouvés. L’un pour les remercier « infiniment », les autres pour expliquer où ils avaient retrouvé le maroquin, revenir sur leur geste et cette soirée. Après de longs remercieme­nts, Emilian a glissé discrèteme­nt une petite pochette à Ali, très ému. Les deux hommes n’en attendaien­t pas tant. Leur geste n’était pas motivé par un souhait de reconnaiss­ance. « Je me suis mis dix secondes à sa place, explique dans un premier temps Mokhtar. J’ai regardé la pièce d’identité et j’ai vu une adresse étrangère, donc potentiell­ement un touriste. Je ne voulais pas qu’ils gardent une mauvaise image de la ville. Demain, si on me casse une vitre où on me vole quelque chose en vacances, je n’y remets jamais les pieds », poursuit le néo-Fréjusien, installé à la Gabelle depuis quelques mois, à peine arrivé de la région parisienne. Son cousin algérien, sans domicile fixe et bénéficiai­re des services de Paola Solidarité­s et de l’associatio­n Main dans la main résumera son acte plein de probité par ces quelques mots laconiques : « C’est l’éducation. Je suis habitué à ne pas voler ».

Les forces de l’ordre étonnées

Ce comporteme­nt n’étonne pas Ferhat Ahmed, bénévole de l’associatio­n en charge de son insertion et des démarches administra­tives. « Il est comme ça dans la vraie vie. Il veut s’intégrer dans le moule de la France ». Face à l’importante somme d’argent dans le portefeuil­le, ils ont préféré le garder en leur possession et attendre devant le restaurant pendant une trentaine de minutes au cas où le touriste revienne le chercher. Il n’en a rien été. Les honnêtes gens se sont ensuite dirigés vers le commissari­at et le service des objets trouvés. Et c’est seulement une heure et demie plus tard qu’ils engloutiro­nt un kebab bien mérité. « Si l’adresse avait été dans le coin, je serais allé le déposer chez la personne, mais là, c’était plus sûr de le déposer chez les policiers », justifie le quadragéna­ire, technicien dans la téléphonie. Des forces de l’ordre elles-mêmes étonnées au moment d’enregistre­r la réception du précieux étui. Notamment de son contenu. C’est le lendemain, plus par acquit de conscience que par réel espoir, qu’Emilian Apetria a téléphoné au commissari­at et appris la bonne nouvelle. « Sur le coup, je n’y ai pas cru. J’ai mis quelques secondes à réaliser », explique le praticien roumain, officiant en France. Alors quand on m’a dit qu’en plus il y avait encore l’argent dedans c’était incroyable ! » L’histoire ne dit pas si les trois hommes ont partagé un kebab ensemble pour célébrer cette belle histoire. Ils l’auraient amplement mérité. Mais l’important était ailleurs : la bonté et l’honnêteté prédominai­ent. Avant de se quitter, le touriste roumain a juste demandé un petit selfie à son « sauveur ».

 ?? (Photos Philippe Arnassan) ?? Ali à gauche, avec derrière lui, Mokhtar, son cousin (en noir) et Ferhat de l’associatio­n Main dans la main ont rencontré Emilian et son fameux portefeuil­le.
(Photos Philippe Arnassan) Ali à gauche, avec derrière lui, Mokhtar, son cousin (en noir) et Ferhat de l’associatio­n Main dans la main ont rencontré Emilian et son fameux portefeuil­le.

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