Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Une irresponsa­bilité inconscien­te et collective »

Jean-François Mattei, ancien ministre de la Santé

- AXELLE TRUQUET

Que vous ont inspiré les images de foule assistant ce week-end qui au concert en plein air à Nice, qui à la rave party dans la Nièvre ? Elles laissent à penser que les gens ont, avec le déconfinem­ent, chassé de leur esprit l’idée même de l’épidémie. Finalement, ils retrouvent une vie normale. La preuve : il y a trois semaines encore, il y avait un employé à l’entrée des magasins qui ne vous laissait pas entrer si vous ne portiez pas de masque. Désormais, il n’y a plus qu’une personne sur cinq qui en met un. C’est grave, il y a une forme d’irresponsa­bilité inconscien­te.

Pensez-vous que le non-respect des gestes barrières nous expose à une deuxième vague ?

Lorsque l’on voit les chiffres de contaminat­ion qui augmentent, des clusters qui apparaisse­nt, certaines régions du monde qui se reconfinen­t… Il apparaît évident que l’épidémie pourrait profiter de notre relâchemen­t pour repartir. Nous ne sommes pourtant pas condamnées à revivre une pandémie. Nous pouvons l’empêcher.

Que faut-il faire alors ? Rendre obligatoir­e le port du masque ?

Il est évident qu’il faut respecter les gestes barrières. Sur le port du masque, il faut voir les choses objectivem­ent : lorsque vous êtes dans un lieu public et que vous ne pouvez pas garantir une distance d’, mètre avec les autres, oui, il faut en mettre un. On ne peut pas mettre un policier derrière chaque Français, alors il faut qu’il y ait une prise en conscience collective. Le port du masque ne vous protège pas seulement vous-même, il protège également ceux que vous croisez. Nous sommes responsabl­es les uns des autres.

Comment faire pour que cette prise de conscience ait lieu ? La période n’est pas idéale : il y a les vacances, les gens s’informent moins… Mais on peut leur donner des chiffres afin qu’ils comprennen­t : l’épidémie progresse lorsque le R – le taux de contaminat­ion – est supérieur à . Pendant le confinemen­t, il était aux alentours de , à ,. Aujourd’hui, nous sommes repassés au-delà de  ; il y a véritablem­ent danger. Or si  % de la population portait le masque, le R redescendr­ait et l’épidémie s’éteindrait.

Certains disent : « Au pire, on se reconfiner­a s’il le faut. » Qu’en pensez-vous ?

C’est une grave erreur. Car il y a l’aspect médical, mais aussi économique. Et de ce point de vue-là, on ne se remettrait pas d’un nouveau confinemen­t. La difficulté est de trouver le plus juste équilibre entre l’intérêt général et le respect des libertés individuel­les. Il faut sortir de la pensée postmodern­e, qui place l’individu au sommet de tout, pour revenir au collectif : il faut travailler ensemble et dans la durée.

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