Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Jean-Pierre Darroussin seul sur scène

L’acteur était en résidence au théâtre dirigé par son ami Charles Berling, à Toulon, pour préparer une création autour d’Arthur Rimbaud. Entretien en toute liberté.

- PROPOS RECUEILLIS PAR VALÉRIE PALA vpala@nicematin.fr

’acteur est venu en voisin depuis Saint-Cyr-sur-Mer où il habite, pour répéter un seul en scène au théâtre Liberté, à Toulon, en compagnie de sa compagne Anna Novion, qui oeuvre à la mise en scène. Un projet né pendant le confinemen­t, sous la plume du journalist­e Jean-Michel Djian. Comme « un poème élégiaque », explique Jean-Pierre Darroussin, à partir de l’univers d’Arthur Rimbaud. « Cette personne qui parle, qui se prend elle-même pour Rimbaud, finit par être un Rimbaud voyant qui voit le temps, la dérive du monde, comment le monde se comporte après sa mort, lui qui est toujours dans l’esprit et le coeur des gens. » Dans le coeur des gens, Jean-Pierre Darroussin l’est lui aussi, acteur récompensé tant au théâtre qu’au cinéma, d’une simplicité revigorant­e dans la vraie vie.

C’est votre premier seul en scène…

Oui. En principe, j’aime bien avoir un partenaire et je n’aime pas trop être seul sur scène. Je trouve que le théâtre existe quand il y a un rapport entre deux personnes. Mais là, justement, c’est un peu ça. C’est du théâtre, mais ce n’est pas tout à fait du théâtre. C’est un poème. C’est un personnage qui se dédouble. Il est ici et ailleurs en même temps, il est aussi dans l’imaginaire.

La dernière fois que vous êtes venu au Liberté, c’était pour Art, avec Charles Berling. C’est une histoire d’amitié ?

On a joué pendant deux ans ce spectacle ensemble. Les trois personnage­s d’Art sont trois amis, ont beaucoup d’affection, d’amour, les uns pour les autres, même s’ils se déchirent. Je connaissai­s Charles, on avait déjà travaillé au cinéma ensemble, je ne connaissai­s pas Alain Fromager… Un jour, Jean-Louis Trintignan­t est venu nous voir dans cette pièce, qu’il avait luimême jouée. Il nous a dit : “Vous verrez, cette pièce crée beaucoup d’amitié entre les acteurs qui la jouent”. Et c’est vrai.

Vous êtes un des acteurs fétiches de Robert Guédiguian. On parle beaucoup politique dans ses films, à Marseille…

(Il coupe) On a soutenu le printemps marseillai­s, oui !

L’élection d’une femme, écologiste, fille d’un des fondateurs du Parti Communiste Français, c’est un scénario pour un de ses films, non ?

Je sais pas si c’est un bon scénario pour un film. En tous les cas, c’est un bon scénario pour une ville apparemmen­t (rires). Si la ville peut être exemplaire, représenta­tive des aspiration­s à vivre mieux et dans un environnem­ent plus respectueu­x des uns et des autres, ce sera formidable. Une ville comme Marseille peut tout à fait relever ce défi-là, je pense. Les gens ont un attachemen­t, ne négligent pas la ville, ils l’aiment. (...) Parce que cet endroit est beau. Faut pas céder aux pulsions destructic­es ; que les gens se renferment sur eux-mêmes... Bien sûr, on vit des périodes qui sont difficiles, qui sont graves, qui sont lourdes, mais c’est au contraire l’occasion de s’apaiser, de vouloir restaurer, je pense.

Toujours dans l’actualité, les féministes qui montent au créneau par rapport à la nomination de Gérald Darmanin à l’Intérieur, ça nous rappelle la soirée des César où vous n’avez pas prononcé le nom de Roman Polanski

()…

Je l’ai prononcé, mais je l’ai balbutié. J’étais dans une salle de théâtre, avec des gens devant moi. Pour moi, je n’étais pas en train de parler à toute la France. À la fin, d’ailleurs, ils ont ri de ma blague, puisque toute la soirée, tout le monde évitait de dire le mot. J’ai improvisé une blague. Ce n’était pas pour fustiger Polanski. C’était pour rire du malaise... Et puis, il y avait les gens devant leur télé. D’un seul coup, ce n’est pas la même ambiance. Ils ne le prennent pas de la même façon. Et puis, il y a des gens qui ont des opinions, qui montent sur leurs grands chevaux, qui se disent “c’est l’occasion de dire quelque chose”… Ils ont le droit de dire ce qu’ils veulent, c’est pas moi qui vais contester ce qu’ils disent. Simplement, qu’on me traite d’antisémite, c’est une des pires insultes qu’on puisse me dire. Ça, ça ne m’a pas plu, voilà…

Avec le recul, vous vous dites

“qu’est-ce que je suis allé faire dans cette galère”, ou pas ?

Non, je ne regrette pas du tout, parce que j’ai fait ça pour rendre service. Je me suis revu et je continue à me trouver rigolo en faisant ma petite blague à la con. Le seul regret que j’ai eu après coup, c’est que c’était un foyer de Covid, cette soirée-là ! Après, on a plutôt eu la trouille d’avoir chopé la maladie !

Ces périodes difficiles, c’est l’occasion de s’apaiser”

J’ai chopé encore un peu plus de grignotage de bêtise humaine”

On vous l’a fait payer, cette phrase ?

Franchemen­t, oui, bien sûr. Il y a quelques producteur­s qui ont appelé mon agent : “Vous comprendre­z très bien qu’on ne pourra plus jamais travailler avec Jean-Pierre après ça”. Vous voyez jusqu’où ça peut aller (rire) .Les bras vous en tombent.

Vous n’avez pas attrapé le Covid au moins ? !

Non pas du tout, mais on va dire que j’ai chopé encore un peu plus de grignotage de bêtise humaine… 1. Au moment où il doit révéler le nom du lauréat du prix de la meilleure adaptation, attribué au cinéaste.

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