La demeure et le laboratoire du docteur star Voronoff
En 1926, le docteur superstar Serge Voronoff achète la villa, faute d’avoir pu récupérer un terrain qu’il convoitait à Monaco. Il en fait une « ferme à singes », sorte de fabrique d’organes de rechange. «Il voulait que ce soit un modèle et qu’il y en ait d’autres en Méditerranée. Pour lui, il s’agissait de l’avenir de la médecine », indique Enzo Barnaba. Et qui dit ferme, dit animal. Des singes, en l’occurrence, dont les testicules sont destinés à être transplantés sur l’homme dans un but de rajeunissement. Les primates proviennent d’Afrique, grâce au contact qu’entretient Voronoff avec des missionnaires à Conakry. « Il était étonné que l’évêque l’y autorise. Mais l’explication est simple : même le pape doit en avoir (des testicules). À l’époque quand le souverain pontife était élu, on le faisait asseoir sur une chaise à trou pour vérifier – après l’épisode de la papesse Jeanne », poursuit l’historien. Précisant que le docteur songe rapidement à élever lui-même des singes, leur capture lors de battues puis leur transport par bateau étant très coûteux.
Vigueur et effet placebo
Au moment le plus faste, 80 singes occupent les lieux, équipés d’un chauffage central. « Les cages n’ont pas été détruites car elles sont classées. Leurs barreaux sont recouverts en ciment, chaque faux tronc imite une essence différente. » Dans le jardin, une petite maison fait office de maternité pour singes, et de laboratoire. « Voronoff se rend finalement compte que la greffe ne marche pas – sans avoir l’honnêteté intellectuelle de l’admettre. Mais le mental entre en jeu et l’effet placébo fonctionne parfois. Des patients assuraient avoir retrouvé de la vigueur. Voronoff attribue notamment cela à Maeterlinck… mais il oublie de préciser qu’entre-temps son ami a divorcé ! » Sauf que les rejets ne tardent pas à faire des ravages : bien que petits, les greffons se nécrosent. Voronoff finit par arrêter. Donnant une partie de ses singes à des Parisiens qui continuent l’expérience. Utilisant d’autres comme cobayes pour combattre le cancer. « Il aurait voulu un prix Nobel comme son ami et rival Alexis Carrel… » Hyperpopulaire malgré ces échecs, Voronoff est expulsé en 1938 à cause des lois raciales mussoliniennes. La villa est saisie. Quand il revient en 1945, les bombardements ont eu raison de sa luxueuse demeure, qui n’a même plus de toit. « Il a dû la reconstituer de manière plus spartiate », conclut Enzo.