Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Hamid, un riverain : « Si tu parles, t’es mort »

- THOMAS GUICHARD

Du jour au lendemain, la famille Hamid a dû plier bagage

(1) et quitter Sainte-Musse. Sans regret aucun. Fin juin, une balle perdue finit dans le papier peint de la chambre d’enfants. Ce père de famille, qui se décrit comme un ancien militaire, leur avait appris à s’allonger à plat ventre, « en cas de coup de feu ». « La balle est passée juste audessus de la tête de ma fille, avant de ricocher, se souvientil, ils n’en dorment plus j’ai dû les conduire chez le psychologu­e. » Son épouse a, depuis, été hospitalis­ée pour des angoisses. Pour Hamid, pas de doute, il s’agit bien d’une arme de guerre qui a tiré le coup. « Une balle explosive, pour les Kalachniko­v. » Ce soir du 26 juin entérine des années de « cauchemar » dans le quartier SainteMuss­e. « On se sent abandonnés », déplore le père de famille, parti se réfugier chez sa belle-mère dans le centre-ville de Toulon. « Ni moi, ni ma femme n’avons jamais vu ça ailleurs, on dirait que ces racailles ont leurs propres lois. Excusez-moi du mot mais comment appeler des gens qui s’entre-tuent pour la drogue ? La journée là-bas, c’est le Pakistan. »

Des locataires résignés

Ce n’est pas la première fois que l’immeuble de Hamid se retrouve entre deux coups de feu. « Il y a deux ans, je prenais un thé avec ma femme sur le balcon. Quand j’ai vu une bande de jeunes de 15-16 ans qui ne venaient pas du quartier pénétrer dans la résidence. On sentait qu’il allait se passer quelque chose. Des coups de feu, encore. Le lendemain, on apprenait dans Var-Matin qu’il y avait eu des morts. »Ouencore cette fois où la famille sortait en direction du parc à jeux d’à côté. « J’ai vu un jeune qui est sorti de l’immeuble avec un grand fusil. On est rentré, sans rien dire. » Il y a plusieurs mois, sa voiture a été la cible d’une « bande de jeunes ».« Je suis obligé d’aller au travail en transports en commun. Ça ne sert à rien de trouver une autre voiture, je vais encore me la faire casser. Ils n’aiment pas qu’il y ait des gens qui travaillen­t dans le quartier. » Selon notre témoin, ça fait bien longtemps que les habitants du quartier ne parlent plus entre eux des fusillades. Résignés. « On dit “bonjour, bonsoir”, c’est tout, déplore-til. Notre univers, c’est à l’intérieur de nos appartemen­ts. Dehors, on baisse la tête, on ne dit rien. Si tu parles, t’es mort. » L’été surtout, « plus il fait chaud, pire est le cauchemar ».

Seule solution, déménager

De Sainte-Musse, Hamid n’attend plus qu’une chose : que cette balle perdue soit une porte de sortie. Après des années de réponses « diplomatiq­ues », mais négatives, son dossier de mutation HLM a enfin été étudié. « Je ne veux plus jamais revenir ici, jure-til, on est même prêt à payer un loyer privé s’il le faut. »Àeux deux, sa femme et lui gagnent à peine plus de 2 000 euros par mois. « La vie de mes enfants est en jeu désormais, je veux juste partir à n’importe quel prix. » 1. Son prénom a été modifié pour préserver son anonymat.

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(Photo DR) Une balle perdue s’est plantée dans un mur de la chambre d’enfants de la famille de Hamid.

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