Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Trinquer avec le passé dans ce petit village provençal Taradeau

Et si j’allais... Sous le chant des cigales, à l’ombre d’un platane, venez découvrir les mémoires du petit village à grande renommée

- ANAÏS GRAND agrand@nicematin.fr

Chaque samedi cet été, partez à la découverte d’un village. Ses lieux incontourn­ables, ses visages emblématiq­ues, ses mystères… Venez visiter !

Lui, c’était l’un des plus grands mécréants du village ! » Xavier Crest pointe du doigt Aimé Tesseire, la figure locale. Devant l’ancienne école des filles de Taradeau, devenue un immeuble aujourd’hui, Gilbert Galliano et Albert David s’esclaffent. Plus jeune, l’intéressé y vendait des fioles d’anisette, d’absinthe, ou encore du vin de « contreband­e ». « La nuit, pendant que les parents dormaient, on récupérait le marc de raisin qui devait être jeté et on le distillait. Puis, on le mélangeait à la gnole. Quand c’était fini, pour éviter que les odeurs ne persistent, on brûlait de la lavande… Sinon, les voisins pouvaient appeler la police ! » ,se marre Aimé. « C’était notre gagnepain… », commente Gilbert, ancien maire du village pendant 25 ans. Mais leurs essais ne valaient pas ceux de leurs parents, dont les bouteilles étaient vendues à la cave coopérativ­e, dès 1924.

Grand cru classé de Provence

Aujourd’hui, les amis ont lâché la vigne pour déguster du bon vin. Un rosé, ou encore l’un des deux « grands crus classés ». Car Taradeau, ce n’est pas seulement la Provence. Ni un petit village. C’est aussi et surtout les cépages, son poumon économique. « Vous vous souvenez, de la fin du cursus scolaire ? On était invités, justement, au château du Domaine Saint-Martin pour une remise de prix. On n’avait pas le droit de boire du vin, mais du chocolat chaud et manger une orange, ah ça oui ! », lance Xavier Crest dans un sourire. « Moi, je me souviens que nous avions le choix entre un bonnet d’âne ou un bouquin », détaille

Aimé. Natif de Taradeau, il ne parlait cependant pas le français, « juste le provençal, comme tout le monde, à ce moment-là ». La langue officielle, il l’apprend avec 45 autres élèves, à l’école ancienneme­nt située au premier étage de la mairie. Mais, comme ses camarades, il n’a jamais laissé tomber sa langue maternelle.

« Les secrets sont dits en provençal »

À quelque pas de l’hôtel de ville, les copains s’arrêtent devant le foyer. Aimé, alias « lou pape », y donne des cours depuis 20 ans. « Autant pour les jeunes que pour les adultes, pour faire découvrir la langue au plus grand nombre » ,détaille-il, avant de raconter une histoire dans l’accent chantant. « A Taradeau, les secrets sont dits en provençal », sourit Gilbert. Alors, une fois par semaine, ils partent avec leurs mères au puit, récupérer la « source de la servi », comme ils l’appellent. Durant l’été, ils n’avaient pas d’autre choix. L’eau manquait dans les deux citernes des campagnes. Ils fréquentai­ent aussi le lavoir pour aider leurs parents à faire la « bugade ». Mais surtout car c’était le « cancan » de Taradeau. «Si vous vouliez les informatio­ns de la semaine, c’est là-bas qu’il fallait aller ! Vous saviez qui couchait avec qui, etc. », confie Xavier, chantant. Cependant aujourd’hui, le lieu n’est plus fréquenté. Vidé de son eau, la pierre est fendue en deux. « Mais il sera bientôt restauré », promet Albert David, le maire. En tout cas, les trois autres amis l’espèrent. Pour que les traditions d’antan perdurent.

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Le provençal est enseigné à l’école et au foyer depuis des génération­s.
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(Photos Sophie Louvet)

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