Abattu en , le B- a des histoires à raconter
Près des côtes seynoises, l’épave du bombardier abattu en 1944 par les Allemands est devenue un spot de plongée incontournable. Mais des passionnés estiment son histoire erronée
C’est là, devant des côtes seynoises aussi belles qu’escarpées, entre le cap Vieux et le cap Sicié, qu’il repose depuis 76 ans. Disloqué, couvert de concrétions, le bombardier américain B26 de type Marauder a certes perdu de sa splendeur. Mais les plongeurs confirmés peuvent tout de même admirer, entre autres morceaux, ses deux moteurs aux pales impressionnantes ou le train d’atterrissage avant. Le tout éparpillé à une profondeur avoisinant les 50 mètres. Découverte en 1979 (voir par ailleurs), cette épave est devenue un spot de plongée incontournable pour les amoureux des fonds marins de la région. Pour les férus d’histoire aussi : précieuse relique de la Seconde guerre mondiale, l’appareil a été abattu par les canons antiaériens allemands de Saint-Mandrier alors que les Alliés tentaient de sécuriser le débarquement de Provence débuté quelques jours plus tôt.
« Pour la mémoire des hommes »
Le consensus historique s’arrête là. Alors que le récit officiel, relayé par les clubs de plongée et autres historiens locaux, parle d’un bombardier piloté par un équipage français, d’autres estiment qu’il y a méprise. « Cette version, en partie basée sur des témoignages anciens, est erronée, affirme ainsi Philippe Castellano, spécialiste des épaves sous-marine d’avions en Méditerranée. D’après nos recherches, il s’agit bien d’un B-26 Marauder, mais piloté par un équipage américain : le Thunderbird.» Notamment connu pour avoir identifié l’avion de Saint-Exupéry en 2004, l’homme en veut pour preuve les documents qu’il a exhumés des archives militaires outre-Atlantique, dont le rapport de perte du bimoteur de la 12e United State Army Air Force .« Les témoignages laissent peu de doutes, poursuit-il. Le bombardier a été abattu alors qu’il visait la tourelle double de 340 mm du cap Cépet, le 19 août 1944. Il est bien tombé à moins d’un mille de la côte, précisément entre les caps Sicié et Vieux, là où repose l’épave. » Problème : les numéros de série des moteurs pouvant prouver cette théorie sont introuvables. Avec Ludovic Dendeloeuf, un Farlédois passionné d’épaves, et l’aide du Manta club de Saint-Elme, ils ont, en vain, exploré les fonds marins lors d’une série de six plongées l’été dernier. S’ils ont nettoyé les moteurs des filets de pêche qui les encombraient, aucune trace des fameuses plaques d’identification, probablement détachées du bloc par la corrosion et désormais dissoutes.
« Un film historique » en projet
« Notre seul espoir aujourd’hui est de retrouver la plaque d’usine posée sur le tableau de bord », explique Ludovic Dendeloeuf. Sauf que le nez de l’avion n’a lui non plus jamais été localisé. « Nous pensons qu’il se trouve au sud des deux moteurs, poursuit Philippe Castellano. On sait qu’il y a de la ferraille dans la zone des 100 m et il y a une forte probabilité pour que ce soit un morceau de fuselage… » A cette profondeur, seuls sont capables de descendre des robots ou des plongeurs-recycleurs. « On espère pouvoir retenter notre chance avec des ROV dans les mois à venir », s’avance Ludovic Dendeloeuf. Créateur de la chaîne Youtube “Tuto Plongée”, ce dernier dit préparer un « gros film historique » sur le sujet. Quant à ceux qui, finalement, se demanderaient l’intérêt de remuer la vase pour identifier une carcasse métallique qui sert dorénavant d’abri aux sars et autres mérous, Philippe Castellano leur répond
qu’il agit « pour la mémoire des courageux aviateurs qui ont défendu notre pays et dont beaucoup trop ne sont jamais retournés dans leur pays ». Imparable.