Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Le cyclisme est le sport le plus populaire qui soit!»

Animateur historique de Nulle part ailleurs, mène sa vie sans plan de carrière. Il a toujours choisi des chemins différents, sans jamais perdre sa passion pour la petite reine

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MINARD

Antoine de Caunes,

Quel est votre rapport au Tour de France ?

C’est un rapport à l’enfance. C’est le souvenir d’étapes du tour, avec mon père [Georges de Caunes, ndlr] à cheval sur une moto en train de commenter. Ce sont aussi de vagues images en noir et blanc, avec des trucs un peu héroïques. Par ricochet, je jouais au Tour de France sur la plage, avec les tracés dans le sable et les petits coureurs. Très longtemps après, je me suis réintéress­é non pas au Tour de France mais au vélo.

Vous êtes toujours un spectateur assidu ?

Non, et pour une raison pratique. J’ai épousé une Grecque [Daphné Roulier, ndlr] qui m’entraîne dans son pays d’origine tous les étés, et j’ai donc beaucoup de mal à voir les étapes du Tour. Cela aurait pu être plus simple cet été mais mon émission () se déroule pile au moment de l’arrivée de l’étape. Je regarde évidemment plutôt les étapes de montagne que les étapes de plaine. A ma grande époque, je pouvais me cogner toutes les étapes en intégralit­é, y compris le contre-la-montre individuel !

C’était quand votre grande époque ?

C’était avant mon mariage… On parle, bien sûr, du cyclisme, sinon cela va être mal interprété [rires] ! Plus sérieuseme­nt, j’ai toujours eu une grande passion pour le cyclisme. Je suis très admiratif des coureurs, comme je suis très admiratif des boxeurs. Il faut un tel courage ! Il y a peu de sports qui déclenchen­t chez moi autant d’émotions. Ces gens-là réalisent des prouesses hors norme. Les gens qui ne sont jamais montés sur un vélo ne peuvent pas comprendre à quel point c’est passionnan­t. La course, ce n’est pas juste celui qui essaie d’aller plus vite que les autres, c’est la stratégie de l’équipe, le travail de préparatio­n. Au-delà de ça, il y a l’épopée au sens littéral du terme.

Le vélo, c’est le secret de votre silhouette de jeune homme ?

Le vélo, c’est comme Drucker, j’en parle plus que je n’en fais ! En fait j’ai une hygiène de vie, avec un tempéramen­t assez frugal. Je ne fais pas d’excès. Je n’ai pas toujours dit ça… Je suis raisonnabl­e de nature mais je ne suis pas obsédé par ma silhouette ! Je fais encore un peu

Dans les vestiaires mythiques du vélodrome de Roubaix.

de vélo, mais pas à haute dose comme à l’époque où je faisais  bornes par semaine. J’ai arrêté avec la naissance d’un nouvel enfant. Le vélo est très chronophag­e, les enfants aussi… En plus, le fait d’habiter Paris transforme votre sortie vélo en usine à gaz. Je suis passé àlaboxe anglaise il y a trois ans. J’y trouve un vrai plaisir car c’est un art de l’esquive, c’est une danse. L’idée c’est d’éviter de prendre des pains avant de croire que l’on peut en distribuer soimême. L’entraîneme­nt de la boxe est fantastiqu­e.

Des élus écologiste­s viennent de déclarer que le Tour c’était ringard. Cela vous inspire quoi ?

Très sincèremen­t, la bêtise me surprend de moins en moins. C’est le sport le plus populaire qui soit. On a accès aux coureurs, aux villages d’étape ; on peut être au plus près de la course dans les étapes de montagne… C’est un moment de communion extraordin­aire, c’est un spectacle gratuit et c’est une culture. Ce qu’il faudrait réformer dans le Tour, au-delà des histoires de dopage, c’est en fait le monde qui se déplace autour. Il serait bon de réduire la caravane et de revenir à une course sans oreillette­s, avec, pourquoi pas, des équipes nationales. Vous voyez, je suis un mec moderne [rires] !

Animateur, écrivain, chroniqueu­r, cinéaste, humoriste, dialoguist­e. Quel est votre métier ?

Je ne sais pas… Fantaisist­e me convient bien. C’est un mot ancien, qui fait penser au musichall. Saltimbanq­ue me va aussi. Le seul point commun de toutes ces activités, c’est le plaisir de changer de format, de ne pas succomber à la routine.

Vous auriez rêvé d’être une rock star ?

Pas du tout ! Devant ma glace comme tout le monde, à  ou  ans, oui, mais j’ai vite renoncé, car je suis un exécrable musicien. Même à la batterie, qui est pourtant un instrument plus discret car il n’est pas en front de scène. J’avais tendance à ralentir le groupe. Je me suis contenté d’être un mélomane pas frustré.

Dylan, Bowie, Springstee­n vos repères ?

Oui. Au-delà du repère, ce sont des gens qui ont inventé une grammaire que l’on continue de décliner aujourd’hui. C’est une grammaire qui a été très formatrice pour moi car j’ai appris à écouter de la musique et à parler anglais avec eux. C’est très structuran­t. Il ne faut pas non plus laisser cette musique se statufier par des idolâtres, mais ce sont des pierres de Rosette. Ils ont défini une partie du langage. Mais, bien sûr, je ne reste pas fixé là-dessus et j’écoute beaucoup d’autres choses.

De Chorus à La Gaule d’Antoine (), quel est le fil rouge de votre activité TV ?

C’est l’absence de plan de carrière. On a fait Chorus parce qu’il n’y avait aucune place pour le rock à la télé, qui est pourtant un phénomène culturel majeur. Il n’y en avait que pour les Carpentier et pour la variété de l’époque qui était un peu éprouvante pour des oreilles sensibles. Quant à La Gaule d’Antoine, c’est peut-être vaniteux de dire cela, mais je pense que ça ne ressemble à rien d’autre non plus.

La Gaule d’Antoine c’est une sorte d’anticatalo­gue d’office de tourisme ?

Oui, en fait c’est un antiportra­it ou un portrait en creux de la France que j’aime, de la France habitée par des gens qui pensent un peu autrement, qui sont hors des clous. Je trouve que l’énergie qui se dégage de cela est très rassurante. La France bouge, pas forcément où on l’attend. J’aime beaucoup l’idée d’une télévision qui se déplace pour voir les gens chez eux.

Qu’avez-vous appris sur la France que vous ne saviez pas ?

J’ai réellement découvert à quel point la France était un pays extraordin­airement beau et varié. Bien sûr, il y a l’idée de patrie qui unit tout le monde, mais chaque région est un pays différent. Dans cette époque très normée où l’on veut tout aplanir, je trouve cela très enthousias­mant. On finit, actuelleme­nt, le dernier numéro de la collection France métropolit­aine, avec la Normandie, puis on s’attaque à la France d’outremer et à la francophon­ie.

Vous considérez-vous comme un grand enfant ?

Oui, car je ne fais pas de démarcatio­n entre l’enfance et le reste de la vie. Les gens qui enfouissen­t ou nient leur enfance se mettent le doigt dans l’oeil tellement profondéme­nt. Il ne s’agit pas d’être enfantin et puéril, mais je pense que l’enfance est au centre de tout. L’émerveille­ment, l’enthousias­me et la candeur sont pour moi la clé. C’est ce qu’il y a dans les dessins de Sempé.

La bêtise me surprend de moins en moins”

Etes-vous vraiment un déconneur ?

Je suis en fait assez sérieux. J’aime bien organiser ma déconne mais je suis parfois un peu mélancoliq­ue. Je n’arrive pas à prendre grand-chose au sérieux et c’est ce qui me sauve.

(Agence locale de presse)

1. Popopop sur France Inter, du lundi au vendredi à 16h. 2. La Gaule d’Antoine, tous les mois sur Canal +.

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