Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Mathilda May danse à deux temps

Longtemps contrainte par son image de belle actrice de cinéma, l’ex-danseuse s’est révélée en devenant auteur et metteur en scène au théâtre. Déjà deux Molières ! À Nice, elle se confie.

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Elle dit ne plus pratiquer l’ascèse, même si sa silhouette le dément. De l’ancienne danseuse, Mathilda May a conservé l’allure gracieuse et le port élégant. Invitée du Festival des mots, la comédienne de Festen est revenue à Nice, ville qu’elle a appris à découvrir et qu’elle apprécie tant. S’est élevée sur pointes jusqu’à Saint-Martin-Vésubie, pour prêter sa voix au Niçois Louis Nucéra. Paradoxe d’une artiste désormais reconnue pour des spectacles sans paroles, mais pas sans humour. Ni amour. « Il y avait déjà eu tellement de belles paroles au théâtre, je ne m’en sentais pas capable, confirme l’auteur d’Open Space ou du Banquet. Mais ce n’est pas seulement ça : je trouve aussi que tout est parlant, et il y a beaucoup de choses plus vraies que la parole. Le geste traduit la pensée, et c’est cette vérité-là que je cherche à travers mes spectacles. »

Monde du silence vs monde de la parole

Jadis, elle aurait pu prétendre au titre de sex-symbol du cinéma. Mais c’était mal connaître Mathilda. Personnali­té trop riche pour s’enfermer dans ce rôle-là. Même s’il aura fallu bien des aléas pour que la femme transcende l’icône. « À un moment, il n’y avait même plus de filtre. Toute sorte d’hommes pouvaient venir vers moi, y compris ceux qui ne m’intéressai­ent pas. Mais j’étais jeune, pleine d’incertitud­e, dépendante du désir des autres et surexposée à la célébrité... » Tout avait commencé par une sorte de quiproquo. Un pari osé. Pour l’audition de Nemo, on cherchait « une blonde parlant anglais ». Aujourd’hui polyglotte, la belle brune n’en parlait pas un mot ! « Mais mon agent rencontrée par hasard, était persuadée que je ferais du cinéma. J’ai appris vite fait quelques mots d’anglais en phonétique, et ça a marché. Et là, j’ai découvert un monde où les gens parlaient, alors que la danse n’était que souffrance et silence. »

Sa nudité quasi surnaturel­le se dévoile dans Lifeforce, mais son talent se révèle dans Le Cri du hibou, où Chabrol et sa truculence lui donnent une véritable chance. « Il savait très bien choisir ses acteurs et, à l’époque, ce personnage de jeune ingénue m’allait bien ,se souvient celle qui était alors âgée de 22 ans. Avec ce film, Chabrol m’a offert un beau cadeau, il m’a donné confiance. C’est mon plus beau et mon plus joyeux souvenir de cinéma. » Un polar tourné en mode rigolard, qui lui vaut déjà un César de meilleur espoir. Mais la suite est moins heureuse, même si Mathilda May imprime durablemen­t la pellicule du septième art. Car la tyrannie du grand écran se transforme peu à peu en carcan. À tel point que l’héroïne met fin à son addiction de fiction pour ne pas en garder mauvaises cicatrices. Prend ses distances, dans « le sabotage progressif de sa vie d’actrice ».

Fan de Monty Python

« Ce n’était pas vraiment conscient mais c’est venu avec l’âge, et des rôles moins intéressan­ts, qui ne correspond­aient pas à mes envies d’évolution. » Pour Mathilda, pas question de se cantonner au « sois belle et taistoi ». D’autant plus qu’avec ses partenaire­s masculins, en public comme en privé, elle n’est pas toujours à la danse (comme révélé dans sa biographie, V.O., paru chez Plon en 2018). Homme-femme, mode d’emploi ? « Il n’y a pas de rapport plus compliqué et ça ne vaut pas que pour moi. J’ai toujours eu plus de soutien, connu plus de fraternité et de solidarité avec les femmes plutôt qu’avec les hommes, avec lesquels s’installe trop souvent une rivalité, un rapport de force. »

Les atermoieme­nts du couple, Mathilda a préféré en rire avec Plus si affinités, première pièce qu’elle coécrit et joue avec Pascal Légitimus. L’esthétique s’efface derrière le comique, car en réalité, le registre ne lui est pas... inconnu. Fan de Monty Python comme de Linéa, Mathilda prend toute sa liberté créatrice avec Open Space, ou Le Banquet, qu’elle met en scène et en musique. Planches de salut, pour une splendide métamorpho­se. « Ces spectacles sont le fruit d’un long travail artistique, mais aussi le cheminemen­t d’une vie. Ils sont beaucoup plus personnels car je suis responsabl­e de tout, et ils représente­nt ce que je suis aujourd’hui. Et je ne me suis jamais sentie aussi épanouie...» Une danse à deux temps, pour parvenir à son accompliss­ement. Mais Mathilda est merveilleu­sement retombée sur ses pieds. Sans rien perdre de sa beauté...

Pas de rapport plus compliqué que le couple homme-femme”

Je préfère donner à voir que d’être regardée”

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