Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« On est “traumatisé” par la première vague »

Alors que le Var et les Alpes-Maritimes sont passés hier en zone rouge, les infectiolo­gues du CHU de Nice se veulent rassurants, mais appellent au renfort des mesures barrières

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

En première ligne dans l’accueil des malades depuis le début de la crise sanitaire, le Pr Michel Carles et le Dr Véronique Mondain, infectiolo­gues au CHU de Nice, livrent leur analyse de la situation.

Que faut-il retenir comme messages importants de ce passage en zone rouge ?

La circulatio­n du virus augmente, nous sommes dans une zone à risque. Il ne s’agit pas de faire peur, d’affirmer que l’épidémie est de retour ou d’inviter la population à rester cloîtrée, à renoncer à une vie sociale ou profession­nelle… Rappelons que la plupart des contaminat­ions se font actuelleme­nt dans les milieux festifs ou familiaux, parfois les entreprise­s. Il faut simplement renforcer les mesures barrières, et avoir une approche rationnell­e de la circulatio­n du virus, en appliquant les principes fondamenta­ux : protéger, tester, isoler.

On a le sentiment d’un grand cafouillag­e concernant le dépistage ?

Pas du tout. En réalité on sait parfaiteme­nt ce qu’il faut faire dans ce domaine, en respectant un ordre de priorité : on teste d’abord les personnes qui présentent des symptômes compatible­s avec la Covid-, les personnes contacts d’un cas confirmé ou probable, les clusters puis les profession­nels exerçant dans des structures de soins, des Ehpad, plus globalemen­t auprès de sujets vulnérable­s… Les tests à visée de dépistage individuel pour convenance personnell­e ou à visée de surveillan­ce épidémiolo­gique ne sont pas prioritair­es. Et il faut aussi rappeler qu’il est inutile de répéter les tests comme on le voit parfois écrit, même par des profession­nels de santé. La cacophonie vient d’une mauvaise interpréta­tion des recommanda­tions.

Vous affirmez que nous ne sommes pas en situation d’épidémie alors le nombre de nouveaux cas diagnostiq­ués au cours des sept derniers jours a atteint  pour   habitants dans les AlpesMarit­imes et  pour   habitants dans le Var. Pour le  au moins, on est très au-dessus du seuil d’alerte, fixé à  !

On confond le seuil d’alerte de la circulatio­n du virus – qui est effectivem­ent atteint – et le seuil d’alerte en termes d’épidémie. On parle d’épidémie à partir de

 malades pour   habitants. Les chiffres que vous citez font référence aux cas positifs ; or,  à  % des personnes contaminée­s sont asymptomat­iques – même si ce pourcentag­e semble se modifier récemment. Depuis le  juin, « seulement »  patients sont passés par le service des maladies infectieus­es. Sans minimiser la gravité la situation, on peut donc affirmer que nous ne sommes pas en situation épidémique.. Aujourd’hui, dans tout le GHT [ensemble des hôpitaux publics du ., Ndlr],  patients sont hospitalis­és en infectiolo­gie ou en réanimatio­n au total. Si la situation venait à évoluer, nous alerterion­s aussitôt.

Comment pourrait-elle évoluer ?

Depuis le  juin, il existe un bruit de fond. Le coronaviru­s circule de façon endémique [permanente, Ndlr] – comme c’est le cas pour d’autres maladies infectieus­es, dans certains endroits du monde. Soit, on reste en phase endémique – le virus circule, mais il n’y a pas d’épidémie – soit la maladie progresse, et on rentre dans une phase épidémique. On ne sait pas aujourd’hui prévoir l’avenir, sachant que persiste notamment la question de la saisonnali­té du coronaviru­s. En automne, y aura-t-il une poussée ? C’est possible. Mais cela pourra être tout à fait contenu si on maintient de façon constante les mesures barrières tout l’automne et l’hiver.

Des propos rassurants qui contrasten­t avec le ton alarmiste des instances sanitaires et politiques…

Je pense que l’on est réellement « traumatisé » par la première vague épidémique qui a bouleversé toute la société. Le coronaviru­s a mis à genoux le système de santé. Le système de soins, les administra­tions sont en état de stress post-traumatiqu­e. Dès que les hospitalis­ations progressen­t un peu, on s’affole, on se dit : c’est reparti ! On a tendance à perdre un peu de rationalit­é dans la gestion de la crise.

Il reste qu’une partie de la population est victime d’une véritable psychose.

Il faut faire passer ce message important que la Covid- n’est pas une maladie très grave ; elle est associée à environ , % de mortalité. Une mortalité qui concerne essentiell­ement les plus âgés, population qui doit être protégée. Selon les chiffres de Santé publique France, parmi les   décès enregistré­s fin mai, moins de  correspond­aient à des personnes de moins de  ans. Il ne s’agit pas pour autant de minimiser les symptômes qui peuvent être très invalidant­s : fatigue, perte du goût, de l’odorat… Par ailleurs, autour de la Covid, persistent beaucoup d’inconnus, c’est la raison pour laquelle il faut rester prudent.

Toutes les mesures prises ne sont-elles pas excessives ? La grippe saisonnièr­e qui a fait elle aussi des milliers de victimes certaines années ne bénéficie pas des mêmes recommanda­tions ?

C’est un tort. On pourrait en faire autant pour la grippe !

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