Tortues caouannes : la ruée vers l’eau
Après 46 jours d’attente, les oeufs du nid de la plage des Sablettes ont éclos. De 6 h à 23 h, une quarantaine de tortues marines rejoint la mer. D’autres éclosions sont attendues
Ça y est. Mardi matin, une belle surprise attendait les touristes lève-tôt sur la plage des Sablettes à Fréjus. À 6 heures, les premiers grains de sable sont remués ; les oeufs du nid de tortue caouanne, formé dans la nuit du 10 au 11 juillet, ont éclos. Une première vague de petits animaux marins a traversé les huit mètres séparant le site de ponte de l’écume de la Méditerranée.
Procédure de surveillance Autour des doubles barrières de protection, les mines sont ravies. À commencer par celle de Marie Bignaud, photographe fréjusienne depuis quinze ans. « J’allais travailler, raconte-t-elle, lorsque j’ai été attirée par un attroupement. L’instant était magique. Les touristes applaudissaient à chaque mise à l’eau. Il fallait que j’immortalise le spectacle ! Ce sont les quinze minutes de retard les plus rentables de ma carrière. » Contactés à 8 h 30 par le Réseau tortues marines de Méditerranée française (RTMMF), les gestionnaires du milieu marin et de l’espace sont dépêchés sur le site. L’Office française de la biodiversité (OFB), l’observatoire marin de la Communauté d’agglomération Var Estérel Méditerranée (Cavem) et les agents de la fondation Marineland déclenchent aussitôt la procédure de surveillance et d’émergence. « Nous ne nous attendions pas à une éclosion si rapide, s’étonne Jean-Louis Barbier, conseiller municipal délégué au domaine public maritime. Le phénomène était prévu au bout de 50 à 70 jours. Quand bien même, nous avons beaucoup observé les animaux, et suivi à quatre pattes leur course à la mer. »
Multiples paramètres
Les équipes n’interviennent qu’avec les yeux, la priorité étant de laisser les bébés suivre leur instinct naturel. « Bien que nous soyons habilités à manipuler les oeufs en cas de pépins, nous souhaitions intervenir le moins possible, complète Fabien Rozec, responsable de l’observatoire marin. Nous avons bien fait : les premiers pas des tortues se sont passés à merveille. » Jusqu’à midi, après le départ d’une quinzaine d’animaux marins estimé à l’aube, huit nouveau-nés les ont rejoints en rampant à travers le chenal de barrières, dressées pour faciliter le déplacement. « Passé le lapse de temps d’émerveillement, nous avions une multitude de paramètres à gérer, détaille Fabien Rozec. À commencer par les curieux, appuyés sur la pointe des pieds, appareils photos braqués au plus proche des tortues. Une fois écartés, c’était au tour des baigneurs, en brasse tout à côté de la zone surveillée. Les experts se sont vite transformés en unités de police. Nous voulions que l’éclosion se fasse le plus vite possible ». L’ambiance est bien différente à 23 heures, lorsqu’est déclenchée une nouvelle vague de naissances. Dix-huit frimousses ont simultanément émergé du sable, à l’abri des couche-tôt. Au total, ce sont une quarantaine de tortues qui ont parcouru la plage des Sablettes. Et ce n’est pas fini ! Il reste des embryons dans le nid. « Nous pouvons en espérer le double, comme il est possible que nous n’en voyions plus qu’une seule, tempère Sidonie Catteau, chargée de mission tortue pour la fondation Marineland. Malheureusement, nous ne pouvons pas nous baser sur le nombre d’oeufs enfouis dans le nid puisqu’il était impossible de le vérifier. »
Investigations à prévoir
Pour le savoir, il faut attendre le feu vert du RTMMF pour lancer des investigations sur le site de ponte, une fois le phénomène d’éclosion terminé. En attendant, les experts scientifiques regroupent des données de températures du nid, récoltées tous les jours par les équipes de surveillance grâce à une sonde. « Ces données permettent de juger la qualité d’accueil des plages fréjusiennes, la stabilité environnementale et d’amorcer un pourcentage de femelles et de mâles nés », complète Sidonie Catteau. Du côté des Esclamandes, à SaintAygulf, R.A.S. « Le nid, façonné seulement 24 heures après celui de Fréjus-Plage, ne devrait plus tarder à rentrer en activité, assure Fabien Rozec. Sur nos relevés, la température était légèrement plus basse. Elle impacte directement le temps nécessaire à l’éclosion. Cette fois-ci, nous avons envoyé une équipe de surveillance nuit et jour. Nous sommes prêts. »
saint-raphael@nicematin.fr