Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Sourcier un peu sorcier

Gens d’ici À l’aide de ses baguettes, Jean-Paul Laborie trouve des rivières souterrain­es. Et ça coule toujours

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Moustache en fer à cheval, mèches grisonnant­es sous son chapeau brun à la Stetson, collection de fusils de chasse… Jean-Paul Laborie a tout d’un cow-boy. Mais il n’en est rien. À la place du lasso, il dégaine de sa ceinture… Des baguettes en cuivre et en laiton. Pour quoi faire ? Détecter les sources souterrain­es. Car le septuagéna­ire est sourcier de métier. On le surnomme même « le puisatier », à travers le départemen­t. « De toute manière, il n’y en a pas d’autres, je suis le seul dans le Var », se targue-t-il. Évidemment. Ça coule de source. Lui, n’est en rien un charlatan. «Je n’utilise pas de pendule, ne vends aucun baratin comme beaucoup le font. Je fais mon travail, et je ne me trompe jamais », précise-t-il. Et si vous doutez, ne serait-ce qu’un instant, Jean-Paul vous le prouvera en direct. Même après quarante ans d’expérience, et plus de mille puits découverts à son actif. Sa toute première remonte à 1978. Sur son nouveau terrain, aux Arcs, il fait appel à un sourcier, « haut gradé », ne voulant pas payer l’eau de la ville. Après quelques minutes de recherche, ce dernier lui annonce une bonne nouvelle. «Ilmeditqu’à tel endroit, il y a de l’eau à 6 mètres de la surface. Alors j’ai creusé. Il y avait bien une veine grosse comme mon poing ! Mais c’était sec. Alors j’ai décidé de faire comme lui. J’ai acheté des baguettes, et j’ai essayé ». Dix ans après, il monte sa société à Saint-Raphaël. Rapidement, les commandes affluent en cascade. « Nous étions venus là-bas pour le calme. Au final, je ne pouvais même plus sortir de chez moi. Tout le monde me connaissai­t ! Alors nous sommes venus nous installer à Lorgues, en 1990 », lâche-t-il. À côté de leur maison, une rivière, la Florièye. Sous les gravillons du terrain, une source. Il se précipite dans le coffre de sa petite citadine grise, choisit une paire de baguettes en forme de « V » parmi deux autres. Pointe cuivrée vers le ciel, extrémités dans chaque main, il avance petit à petit les hautes herbes, concentré. Un pas. Deux. Trois. La pointe tourne en direction du sol. C’est ici qu’est la veine. Pour calculer sa profondeur, il replace la pointe vers les nuages, et serres les poignées. Il force. Compte les secondes. Une. Deux. Trois… Il lutte. Cinq. « Elle se trouve à cinquante mètres sous mes pieds », lance-t-il, satisfait. Si vous êtes toujours sceptique, JeanPaul vous proposera de la prendre vousmême. Après un premier test infructueu­x, il posera ses mains sur les vôtres, réitérera l’exercice. Et cela fonctionne­ra. Miracle, ou réel tour de magie ? Derrière l’étude du terrain, il y a quelque chose de plus sorcier que sourcier. « En plus de vérifier géologique­ment qu’il y a des chênes, qui vont puiser l’eau loin dans le sol, et vont m’indiquer la potentiell­e présence d’une cavité, j’ai un réel fluide, un don », assure-t-il. À quelques centimètre­s de lui, un vieux téléphone portable à clapet traîne sur la table. Le puisatier l’attrape, tape quelques secondes sur le clavier, le repose rapidement. « Dans mes mains, les appareils électroniq­ues disjoncten­t. Quand je regarde la télévision, la télécomman­de ne fonctionne plus ». Le bonhomme de 67 ans ne peut pas porter de montre. Pas même à pulsation cardiaque. Il a tout essayé. En vain. « Lorsque je suis allé chez le bijoutier, celui-ci m’a expliqué que j’avais trop de magnétisme. Ça détériorai­t la pile », raconte-t-il, ses yeux bleus perçant scrutant ses paluches. Il ne porte pas de bijou non plus. L’or lui noircissan­t les mains, l’argent lui donnant des boutons. Pour en avoir le coeur net, Jean-Paul Laborie multiplie les expérience­s, ne croyant que ce qu’il voit. Invité, un jour, à une séance de spiritisme, il décide, par curiosité, d’y aller. Mais l’hôte le fait sortir, « s’exclamant qu’un esprit contraire parasitait les ondes. C’était moi ». Le prenant comme un second avis d’expert, il mettra son magnétisme à profit d’une autre cause : la guérison. « À une époque, j’enlevais des verrues de mes amis. Mais elles apparaissa­ient sur mes mains. Et ensuite, j’avais beaucoup de maux de tête. À force de puiser dans mes nerfs, j’ai arrêté. La seule chose que je continue de faire, c’est de savoir si les personnes ont du fluide, rien qu’en les touchant ». Chose qu’il ne fera jamais sur sa femme. Aucun doute concernant Michèle : lorsqu’elle touche son mari, le don de celui-ci disparaît. Pourtant, leur fils, Michaël, est doté, lui aussi, de cette goutte de magie. Refusant de récupérer l’affaire de son père pour l’instant, il la met à profit de sa propre société, « Le Fils du puisatier ». Proche de ses parents, il habite sur le terrain familial, dans son petit studio, « avec sa compagne Manon. Comme Manon des sources », s’amuse Jean-Paul, qui les mène parfois à la baguette.

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