Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le septuagéna­ire louait son logement à des prostituée­s

En octobre 2017, les gendarmes mettaient fin à un drôle de manège dans une résidence maximoise, impliquant un retraité et des Colombienn­es

- VINCENT WATTECAMPS

Excédée, Mme G. Fatiguée de voir, entre février et octobre 2017, ces allées et venues d’hommes dans sa résidence de Sainte-Maxime. Tous se rendaient à l’appartemen­t 404. Tous avaient pris rendez-vous via des petites annonces explicites –« massage, strip-tease et domination » – parues sur le site Internet Vivastreet. Tous, évidemment, cherchaien­t à bénéficier des soins de prostituée­s... Les visites étaient si nombreuses que certains clients se trompaient à l’interphone et importunai­ent, pour le coup, une « vraie » masseuse !

« Don Humberto » et les Colombienn­es

Le 16 octobre 2017, la brigade territoria­le de la gendarmeri­e de Saint-Tropez mettait fin au manège. Et après enquête confiée à une juge d’instructio­n, Hubert H., Janet S. et Karina P. étaient renvoyés hier devant le tribunal correction­nel de Draguignan pour, respective­ment, « mise de local privé à la dispositio­n d’une personne s’y livrant à la prostituti­on » et « proxénétis­me aggravé ». Un trio bien loin des idées que peut se faire le grand public d’un réseau de proxénétis­me... À leur tête, « Don Humberto » comme l’appelaient les deux Colombienn­es. Hubert H., 73 ans, est pourtant loin d’afficher l’assurance d’un Corleone. Il ne savait pas, dans un premier temps, que ses locataires pratiquaie­nt du sexe tarifé dans ses murs. « Vous ne louiez qu’à des femmes jeunes, d’origine espagnole, à qui vous demandiez de ne pas travailler trop tard le soir. Vous ne pouviez ignorer que c’était un lieu où se pratiquait la prostituti­on », le tance la présidente Géraldine Garcia. Le prévenu bafouille, avoue que quand il a compris, il est tombé sous le charme. Et que d’ailleurs, les fois où il a consommé, il a payé. « Même après avoir eu connaissan­ce de l’activité de ses locatrices, il n’a pas augmenté le loyer, le défend son avocat Philippe Barthélémy. Ni l’a encaissé frauduleus­ement. Tous ces revenus étaient déclarés aux impôts. » Aidée d’une interprète, Janet S., 42 ans, reconnaît s’être livrée à la prostituti­on à Sainte-Maxime, comme elle l’a fait auparavant en Espagne ou en Belgique. Mais réfute le caractère de proxénétis­me, même si elle a payé le billet d’avion de Colombie à sa nièce Cindy puis l’a aidée à se prostituer via les petites annonces. Mêmes dénégation­s pour Karina P., 41 ans, qui ne se souvient même plus avoir apposé sa signature sur le bail.

« La solitude, c’est difficile. La ruine en plus...»

Des démentis qui n’ont pas convaincu le procureur Guy Bouchet. Il requérait à l’encontre d’Hubert H. 12 mois de prison, mille euros d’amende et surtout la confiscati­on de son appartemen­t. Une dernière réquisitio­n qui ne passait pas pour Me Barthélémy. « Sa famille lui a tourné le dos. Si on lui enlève son bien, il ne pourra plus payer son crédit... La solitude, c’est difficile. La ruine en plus, c’est impossible. » Mes Cyril Lubrano-Lavadera, pour Janet S., et Luc-Philippe Febbraro, pour Karina P., insistaien­t eux sur l’esprit de « communauté » de ces Colombienn­es, qui travaillen­t ensemble pour se protéger. « Elles sont toutes proxénètes les unes des autres. »Et inversemen­t. D’où des demandes de clémence pour Janet S. et de relaxe pour Karina P., quand le procureur réclamait pour les deux femmes trois ans de prison et une interdicti­on définitive du territoire. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 6 octobre.

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(Photo F. M.) Le tribunal rendra sa décision le mois prochain

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