Accusé majeur des attentats de janvier , Ali Riza Polat dénonce des « balances mythomanes »
« Je suis innocent de tout ce qu’on me reproche ! Je suis là à cause de balances mythomanes, qui sont venues raconter des conneries. » Ali Riza Polat n’a pas perdu de temps. Invité hier à s’exprimer sur sa personnalité devant la cour d’assises spéciale de Paris, celui que l’on présente comme le bras droit d’Amedy Coulibaly a d’emblée délimité son territoire. Crâne rasé, chemise blanche à manches longues, pantalon de toile beige, bras croisés sur un léger embonpoint, pieds bien plantés au sol, Ali Riza Polat a fait usage de toute sa gouaille banlieusarde. Pour ce Franco-Turc de 35 ans, l’enjeu est capital : il est le seul des quatorze accusés à être poursuivi pour complicité des crimes et délits commis par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, et donc le seul à risquer la perpétuité. Alors il joue sa partition. Celle d’un délinquant qui ne renie rien de ses frasques, mais qui refuse obstinément toute responsabilité dans la préparation des attentats. La délinquance, justement, « pourquoi êtesvous tombé dedans ? », demande le président. « C’était pour l’argent. Je voulais de l’argent. Quand t’as pas d’argent, t’as rien. Moi, je voulais avoir de belles choses. » Incarcéré pour la première fois en 2009, il vit la prison comme une révélation : « J’ai vu des gens de mon quartier qui avaient fait plein d’argent. Des braqueurs, des types qui étaient millionnaires. Quand je suis sorti, j’ai voulu faire ça ! »
« Rendre service »
Polat se lance dans le trafic de stupéfiants, et se vante d’y avoir gagné des sommes conséquentes. « Quand je ramenais de la cocaïne ou de l’héroïne, je prenais entre 50 000 € et 100 000 € à chaque passage », fanfaronne-t-il. Jusqu’en 2012, où il se fait arrêter avec quatre kilos d’héroïne. « C’est là que j’ai décidé d’arrêter les stups. Y a que des balances dans ce milieu ! » C’est pourtant une dette liée à un achat de cannabis qui l’amènera, dit-il, à « rendre service » à Amedy Coulibaly. Une somme de 15 000 € qu’Ali Riza Polat doit à son ami, rencontré en 2007, originaire comme lui de Grigny (Essonne). « Quand je l’ai connu, il sortait de prison, raconte l’accusé. Il était tout le temps en tôle, le mec ! » Quant à la nature de leur collaboration dans les semaines avant l’attentat, Ali Riza Polat botte en touche : « Aujourd’hui, je paye mon amitié à Amedy. Mais je me désolidarise de ce qu’il a fait. Faut pas faire ça ! Faut pas tuer des innocents ! » Dans les semaines à venir, il lui faudra tout de même expliquer pourquoi il apparaît si souvent dans l’enquête : sur les listings téléphoniques des autres accusés, dans les tractations autour des armes, au coeur de l’achat de la Mini Austin frauduleusement acquise puis revendue en Belgique au profit de Coulibaly. Ou encore pourquoi, quelques jours après les attentats, les policiers qui le surveillent alors le repèrent en train d’observer attentivement la façade de l’Hyper Cacher de l’avenue de Vincennes.