Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Accusé majeur des attentats de janvier , Ali Riza Polat dénonce des « balances mythomanes »

- SAMUEL RIBOT / ALP

« Je suis innocent de tout ce qu’on me reproche ! Je suis là à cause de balances mythomanes, qui sont venues raconter des conneries. » Ali Riza Polat n’a pas perdu de temps. Invité hier à s’exprimer sur sa personnali­té devant la cour d’assises spéciale de Paris, celui que l’on présente comme le bras droit d’Amedy Coulibaly a d’emblée délimité son territoire. Crâne rasé, chemise blanche à manches longues, pantalon de toile beige, bras croisés sur un léger embonpoint, pieds bien plantés au sol, Ali Riza Polat a fait usage de toute sa gouaille banlieusar­de. Pour ce Franco-Turc de 35 ans, l’enjeu est capital : il est le seul des quatorze accusés à être poursuivi pour complicité des crimes et délits commis par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, et donc le seul à risquer la perpétuité. Alors il joue sa partition. Celle d’un délinquant qui ne renie rien de ses frasques, mais qui refuse obstinémen­t toute responsabi­lité dans la préparatio­n des attentats. La délinquanc­e, justement, « pourquoi êtesvous tombé dedans ? », demande le président. « C’était pour l’argent. Je voulais de l’argent. Quand t’as pas d’argent, t’as rien. Moi, je voulais avoir de belles choses. » Incarcéré pour la première fois en 2009, il vit la prison comme une révélation : « J’ai vu des gens de mon quartier qui avaient fait plein d’argent. Des braqueurs, des types qui étaient millionnai­res. Quand je suis sorti, j’ai voulu faire ça ! »

« Rendre service »

Polat se lance dans le trafic de stupéfiant­s, et se vante d’y avoir gagné des sommes conséquent­es. « Quand je ramenais de la cocaïne ou de l’héroïne, je prenais entre 50 000 € et 100 000 € à chaque passage », fanfaronne-t-il. Jusqu’en 2012, où il se fait arrêter avec quatre kilos d’héroïne. « C’est là que j’ai décidé d’arrêter les stups. Y a que des balances dans ce milieu ! » C’est pourtant une dette liée à un achat de cannabis qui l’amènera, dit-il, à « rendre service » à Amedy Coulibaly. Une somme de 15 000 € qu’Ali Riza Polat doit à son ami, rencontré en 2007, originaire comme lui de Grigny (Essonne). « Quand je l’ai connu, il sortait de prison, raconte l’accusé. Il était tout le temps en tôle, le mec ! » Quant à la nature de leur collaborat­ion dans les semaines avant l’attentat, Ali Riza Polat botte en touche : « Aujourd’hui, je paye mon amitié à Amedy. Mais je me désolidari­se de ce qu’il a fait. Faut pas faire ça ! Faut pas tuer des innocents ! » Dans les semaines à venir, il lui faudra tout de même expliquer pourquoi il apparaît si souvent dans l’enquête : sur les listings téléphoniq­ues des autres accusés, dans les tractation­s autour des armes, au coeur de l’achat de la Mini Austin frauduleus­ement acquise puis revendue en Belgique au profit de Coulibaly. Ou encore pourquoi, quelques jours après les attentats, les policiers qui le surveillen­t alors le repèrent en train d’observer attentivem­ent la façade de l’Hyper Cacher de l’avenue de Vincennes.

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