Sorciers, sorcières… IMAGINATION OU FAITS AVÉRÉS ?
A l’approche d’Halloween se préparent déjà costumes de fantômes, squelettes, vampires et autres ensorceleurs qui, aujourd’hui parodiés, furent longtemps sujet de frayeurs populaires.
Depuis toujours en Provence, sorcières et sorciers ont fait leur office. Ceux qui jetaient les mauvais sorts étaient appelés masque ou masca dans le comté de Nice. Ceux qui étaient bénéfiques, étaient les démasquaïré. On les voyait souvent accompagnés de leur matagot, chat noir et diabolique obtenus en échange de leur âme. On dit aussi qu’elles – 90% étaient des femmes – pouvaient se changer en animal et insecte pour mieux épier les humains sans être vues. Ces images tiennent bien évidemment de la légende. Mais la croyance populaire et la terreur qu’ils inspiraient sont tenaces.
Craints ou sollicités
En fait, il n’y a pas encore si longtemps, lorsqu’une personne tombait malade, que les bêtes mouraient, que le vin tournait, que la viande faisandait, que des accidents se répétaient ou que quelqu’un dépérissait, il se disait que la ferme était emmasquée. Soit qu’un masque avait jeté un mauvais sort sur cette maisonnée. Dans ce cas, pas la peine de solliciter le saint patron du village, d’entreprendre un pèlerinage ou de demander conseil au curé qui refusait de s’en mêler. Non, le seul moyen s’en tirer était d’aller trouver un démasquaïré et faire preuve d’humilité. Si pour vivre en paix, les paysans les évitaient du mieux qu’ils pouvaient, ils ne les rejetaient pas complètement. Car, si le masque était craint, le démasquaïré était recherché pour soigner corps, âmes et animaux et on pouvait avoir besoin de lui pour échapper au pouvoir de leurs congénères. D’autre part, certains plus instruits et moins frustes, étaient spécialisés dans les herbes médicinales et on les appelait pour soigner les malades. Beaucoup d’entre eux avaient la double fonction de faire et défaire, c’est-àdire jeter des sorts, mais aussi de les lever.
On attribuait des pouvoirs à ceux qui, vivants en solitaire – mendiants, vieilles femmes – avaient un mode de vie différent. Notamment les bergers qui, exclus du monde paysan proprement dit, étaient presque tous soupçonnés de sorcellerie. Particulièrement, lorsqu’après leur passage, un accident survenait chez l’un des fermiers du village. Si aucun de ces marginaux n’était suspect, il fallait chercher dans le village qui pouvait causer ces maléfices. Le sorcier pouvait être un voisin, un ami ou un membre de la famille qui, sous des apparences tout à fait innocentes, exerçait ses funestes actions pour se venger d’un affront ou se délivrer d’une rancune.
Gare à la transmission !
Lorsqu’un sorcier mourait, chacun savait qu’il voudrait transmettre ses pouvoirs avant de s’éteindre. La transmission s’effectuait par le contact de sa main au moment où il rendait l’âme. La famille qui assistait à la mort d’un de ses membres suspectés d’être sorcier, l’entourait avec précaution. Au moment où sentant sa fin prochaine, l’agonisant tendait la main pour qu’on la lui prît sous prétexte de l’accompagner, chacun pensait qu’il s’agissait en réalité de transmettre ses pouvoirs. On prenait alors un manche à balai et lui tendait en guise de main afin d’éviter tout contact. Ainsi, le mourant partait tranquille, assuré d’avoir rempli sa mission. Dès qu’il avait rendu l’âme, on s’empressait de jeter le bâton dans la cheminée. Le feu était l’épreuve de vérité. Si le bois brûlait normalement, on s’était trompé sur sa suspicion. Mais si le feu se mettait à crépiter de manière anormale et que des gerbes de petites étincelles jaillissaient du bâton maudit... on avait alors évité le pire !