Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Léon Morel-Fatio, le peintre de Toulon MORT SUR LE TOIT DU LOUVRE

Disparu en ce lieu inattendu à la fin de la guerre de 1870, le peintre officiel de la Marine et homme politique français avait peint, en 1854, un tableau du port de Toulon.

- ANDRÉ PEYREGNE nous@nicematin.fr

Tragique époque. Il y a cent cinquante ans, en 1870, la France était en guerre contre la Prusse. Le conflit prit fin avec le traité de Francfort du 10 mai 1871. Bien qu’un armistice ait été demandé par la France dès le 29 janvier, les troupes prussienne­s restèrent présentes dans le pays. Le 1er mars, elles entrèrent sans combat dans Paris, campèrent sur les Champs-Élysées et se répandiren­t dans la capitale. Le lendemain, le 2 mars, le conservate­ur du musée de la Marine, qui était installé au Louvre monta… sur le toit du bâtiment afin d’observer leur manoeuvre. Il ne put supporter ce spectacle. Il mourut sur place d’une crise d’apoplexie. Il s’appelait Léon Morel-Fatio.

Une commande du ministère

On le connaît à Toulon. Célèbre peintre de la marine, il reçut commande du ministère de la Marine, en 1854, de ce spectacula­ire tableau du port. L’oeuvre est conservée aujourd’hui au Musée de la Marine de Toulon, sous la direction de Cristina Baron, laquelle connaît chaque détail, chaque personnage de ce tableau. Le port de Toulon, hérissé de mâts, grouillant de monde, surveillé par la masse imposante du mont Faron, apparaît ici dans la douce lumière d’un décor théâtral. Des navires s’apprêtent à partir. Sur la droite, des hommes s’affairent à rassembler les provisions nécessaire­s aux longs voyages, qui leur seront amenées à bord par des embarcatio­ns.

Le pompon rouge

À gauche, un navire imposant, battant pavillon français : le « Trident ». Ce vaisseau de guerre qui a été construit à Toulon en 1809 se prépare à appareille­r pour la Crimée. Avant de s’embarquer, les hommes lavent leur linge, le font sécher sur des cordages. Certains solliciten­t l’aide de lavandière­s autour d’un bassin en pierre. Des liens se créent certaineme­nt entre ceux qui vont se lancer dans l’aventure des mers et celles qui resteront à terre. Les marins sont coiffés de bonnets en laine dont les fils sont retenus par une houppette de couleur rouge : telle est l’origine du pompon rouge des marins. Au centre, un gros navire est remorqué par une embarcatio­n Les hommes vêtus de rouge qui rament à bord sont des bagnards. Ils font partie de la vie toulonnais­e de l’époque. Toute une population va et vient sur les quais. Des marins en uniforme passent, fusil à baïonnette à l’épaule. De belles aristocrat­es viennent parler à des officiers en tenue. Quels secrets échangent-elles à l’ombre du Trident ?

Les Atlantes de Puget

Sur la droite sont alignés toute une série de bâtiments avec, au fond, frêle et solitaire, la tour de l’Horloge datant de 1776. C’est l’un des seuls édifices qui restent aujourd’hui. Les deux hangars, à gauche de la tour, qui sont des cales couvertes, ont disparu. De même que le bâtiment de la douane, sur la droite, qui a l’air d’être posé sur l’eau. Les immeubles qui longent le port n’existent plus, ayant été balayés par les bombardeme­nts de la Seconde Guerre mondiale. Seul vestige : les célèbres Atlantes de Puget, que l’on devine, minuscules, sur la droite. Ces statues ont traversé le temps. Aucune guerre n’a eu raison d’elles. Pas même celle de 1870 qui a vu Morel-Fatio mourir sur le toit du Louvre...

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(DR) Le Port de Toulon par Morel-Fatio () au musée de la Marine à Toulon.
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