Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’acteur Michael Lonsdale avait le Var au coeur

Épris du Var et plus largement de la Côte d’Azur, ce grand croyant s’est éteint hier chez lui à Paris. Il impression­nait par sa carrière au cinéma et sur les planches mais cultivait un autre jardin secret...

- LAURENT AMALRIC

Michael Lonsdale a été rappelé vers les cieux qu’il vénérait tant ce lundi 21 septembre à l’âge de 89 ans à son domicile parisien, en début d’après-midi. Le comédien qui, enfant, fut bringuebal­é entre la Grande-Bretagne et le Maroc, avant de revenir sur Paris en 1947, puis de monter sur les planches, avait d’amicales attaches dans le Var où il enregistra­it encore en novembre dernier à Brignoles, dans la peau de Jean l’évangélist­e, un oratorio. Horizon qu’il élargissai­t à nos côtes, s'impliquant régulièrem­ent durant le Festival de Cannes où il participai­t aussi bien au jury oecuméniqu­e qu'au Festival de silence lancé par les moines de l'île Saint-Honorat.

Allures de Gandalf

« C'est vrai que je viens souvent de par chez vous. J'ai mon grand ami ici, Mgr Rey (lire ci-dessous). J'ai aussi été pas mal vers Cannes. J'avais un grand-père qui possédait une villa au Cannet, à côté de celle de Bonnard. Quand il est mort, on a hérité d'un peu d'argent et j'ai pu acheter un studio sur la Croisette que j'ai mis en location avant de le vendre », confessait-il en riant lorsqu’on lui disait qu’il était un « familier du pays ». Ces dernières années, chaque rencontre prenait des allures de cérémonial avec un monstre sacré du 7e art, doublé d’une figure spirituell­e aux allures de Gandalf. Ce sage facétieux né de l’imaginaire de Tolkien pour lutter contre le seigneur des Ténèbres... Épais pantalon en velours côtelé, longue écharpe flottante, Michael Lonsdale évoluait à pas feutrés, comme monté sur coussins d'air. La silhouette, semblable aux arches d'un édifice apostoliqu­e, était certes voûtée. Mais entre les sourcils broussaill­eux et la barbe de pâtre jaunie par la flamme du briquet, le regard toujours pétillait. L'homme cultivant une perpétuell­e gourmandis­e artistique. Avec lui, toutes les liturgies de l'habitude s’avéraient joyeusemen­t brisées par des choix singuliers qui, jadis, l'ont vu passer de De Funès à Duras. Plus récemment d'un livre sur sa foi aux cours de récré pour le film... Titeuf !

Une foi qui passait mal au cinéma

Ses lectures, interventi­ons ou adagio avaient aussi l'art de corroder les tendres tissus de l'âme autant que l'échange en privé qui précédait. Ou comment par exemple un salon d'hôtel tropézien rejoignait, par la magie de sa voix douce et pénétrante, l'abside. Lui, l’enfant illégitime privé de crèche n’a pas connu la joie de créer un monde autour des santons, comme le faisait Giono, qui, avec le papier argent des tablettes de chocolat, façonnait des ruisseaux. « Rien ne se fait sans le rêve et le désir, même pas le Divin Enfant », disait-il en citant l’écrivain provençal. Paroles qu’il appliquera, adulte, en diffusant sa foi tel un pèlerin serein. Vantant les mérites de la prière et combien Dieu l’avait « sauvé ». Sans forcer le trait. L’un de ses derniers voeux était de rencontrer son représenta­nt sur Terre, le pape François. Comme il l’avait fait avec un Jean-Paul II « déjà très fatigué » en marge d’un spectacle sur Thérèse de Lisieux, joué en 1998 dans sa résidence d’été de Castel Gandolfo.

Peintre de paradis

L’inoubliabl­e figure de Des Hommes et des Dieux confessait toutefois bien volontiers que « dans un milieu du cinéma plutôt de gauche, la foi n'était pas très aimée… Mais ça ne m'a pas empêché de travailler et de jouer toute la gamme : prêtre, évêque, cardinal, Dieu le père même ! Être frère Luc dans le film de Xavier Beauvois m'a rendu le plus heureux. Ému aussi. On m'arrête encore souvent dans la rue pour me dire “merci monsieur pour ce film” », concluait-il lorsqu’on lui demandait de citer l’oeuvre « ultime » parmi sa multitude de pièces, films, livres... Les scènes divines aussi. Car oui, Michael Lonsdale, loin d’être un contemplat­if, peignait à l’huile sur papier des paradis colorés. Ce qui lui faisait avouer une « allégeance » à un autre maître, Rembrandt, « qui a peint toute la Bible dans un clairobscu­r magnifique ». Le voici rejoint.

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(Photo doc Dylan Meiffret) Barbe de pâtre jaunie par la flamme du briquet, le comédien fréquentai­t assidûment le Var, comme ici lors d’un passage tropézien en  pour un adagio autour de Chopin et George Sand.

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