Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le meurtre de la rue Belfort reconstitu­é

Depuis hier, Chantal Petitdemen­ge est jugée par la cour d’assises, à Draguignan, pour le meurtre de son concubin en 2017. Une voix aurait guidé son geste

- VINCENT WATTECAMPS

Au premier abord, de Chantal Petitdemen­ge, on ne discerne pas grand-chose. Tout juste un petit bout de femme de 62 ans, se déplaçant avec difficulté dans le box des accusés. Une frange, trop longue, cache en partie son regard. Sa voix, freinée par son masque, est inaudible. Son propos inintellig­ible. Mais très vite, une certaine folie affleure. « Ça vous plaît d’éplucher la vie des gens ! », interrompt-elle le président de la cour lors de la présentati­on des faits. « J’ai jamais dit pile-poil, ras-le-bol de la mafia », éructe-t-elle pendant l’audition d’un policier. Chantal Petitdemen­ge, jugée depuis hier par la cour d’assises du Var pour le meurtre de son concubin, le 1er juillet 2017 à Toulon, n’est pas une accusée comme les autres (lire nos éditions d’hier). D’abord parce qu’elle a avoué spontanéme­nt, le jour du drame, avoir « planté en plein coeur » Michel Delanoy, 72 ans.

« Si on méchant avec moi, je deviens méchante »

Mais aussi, et surtout, parce qu’elle souffre de graves troubles de la personnali­té. Est-ce sa folie qu’il l’a poussé à tuer son compagnon ? « J’ai des moments d’absences », reconnaît-elle, avant de menacer : « Si on est méchant avec moi, je deviens méchante. » Et selon elle, Michel Delanoy l’était. Au point que dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, elle a« craqué ». Ce soir-là, en rentrant de chez une amie, elle raconte avoir été agressée une nouvelle fois par son concubin. Dans la bagarre dit-elle, elle lui donne un coup de couteau dans la poitrine avant de quitter l’appartemen­t, « paniquée ». Bien que les circonstan­ces du meurtre restent troubles, faute de témoins directs, l’enquête a pu prouver que Michel Delanoy a cherché à téléphoner aux secours, se déplaçant de son lit au salon. Mais si le meurtre a eu lieu à 2 h 30 – heure à laquelle la victime a joint les pompiers sans parvenir à donner son adresse –, le retour de Chantal Petitdemen­ge de la soirée chez son amie l’a été un peu après minuit. La dispute aurait-elle duré deux heures ? Ou est-ce le temps que la bouffée délirante prenne toute son ampleur ? Lors d’une seconde audition, en garde à vue, elle explique qu’après le crime, elle s’est lavé les mains, a « bu un café » avant de sortir fumer une cigarette et n’être rentrée qu’une demi-heure plus tard pour appeler les secours. En ayant au préalable lavé le couteau, jamais retrouvé… « J’ai entendu une voix me disant de tuer le tortionnai­re », affirme-t-elle à la cour dès qu’elle en a l’occasion. « C’est la première fois que vous évoquez cela », souligne le président Patrick Veron. Chantal Petitdemen­ge ne relève pas et enchaîne : « J’ai vécu cinq ans d’enfer. Il n’y avait pas de solution. Il m’a mis à bout, c’était lui ou moi ! »

Un couple « pas tranquille »

Il n’y a pourtant que peu de traces des violences pointées par l’accusée. Les voisins appelés à la barre évoquent bien des disputes mais pas de bagarre. Sauf Bernard B., qui se souvient d’une crise de jalousie de Chantal. « Michel avait alors tenté de l’étrangler avec son écharpe. » « Heureuseme­nt qu’il [Bernard] est arrivé, il m’a sauvé la vie ! » répète trois fois l’accusée. « C’était un couple pas tranquille, bizarre », poursuit le voisin. « Si on avait écouté mes appels à l’aide, je n’aurai pas eu à jouer au justicier », soupire sur son banc Chantal Petitdemen­ge, qui souhaite qu’on évoque en priorité son suivi médical. Ce qui sera fait aujourd’hui, avec les auditions des experts psychiatre­s. « C’est malheureux ce qui est arrivé à Monsieur Delanoy, conclut Bernard B. Mais dans le bâtiment, c’est bien plus calme maintenant. C’est une certitude .»

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(Croquis Rémi Kerfidrin) Les témoins ont décrit hier une scène de crime sanglante mais ordonnée, ne cadrant pas tout à fait avec l’état mental de l’accusée.

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