Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Ch. Estrosi : « Nous incarnons une France décentrali­sée »

Le maire LR de Nice donne un coup d’accélérate­ur à son mouvement, La France audacieuse. Il veut en faire un outil de promotion des territoire­s autant que de dépassemen­t des clivages

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON

Fin 2017, Christian Estrosi créait La France audacieuse. Un rassemblem­ent d’élus locaux de droite et du centre au constat partagé, déjà, avant même le révélateur de la crise sanitaire : les territoire­s devaient être la pierre angulaire des réformes. Aujourd’hui à Saint-Germain-en-Laye, LFA va prendre une nouvelle dimension, en devenant un véritable mouvement politique. Non pour accompagne­r une quelconque ambition personnell­e, jure Christian Estrosi, mais pour répondre, au plus près, aux préoccupat­ions des Français.

Qu’est-ce qui change ce mardi, puisque La France audacieuse était déjà un parti, non ?

Effectivem­ent, juridiquem­ent parlant, nous avions déjà les statuts d’un parti, mais qui était en réalité une fédération d’élus associant quelques acteurs locaux. Là, nous nous transformo­ns en véritable mouvement politique. Celui-ci a vocation à mobiliser l’ensemble de nos concitoyen­s, comme n’importe quel autre grand parti de notre pays.

Qu’allez-vous apporter de plus qui n’existe pas dans l’offre politique actuelle ?

Notre mouvement – je préfère ce terme à celui de parti – sera désormais ouvert à tous les acteurs économique­s, sociaux, jusqu’aux plus simples citoyens se reconnaiss­ant dans les valeurs de la République. Pour moi, les partis sont d’abord des écuries présidenti­elles, du moins quand ils ont un candidat. Et, dans le cas contraire, ils sont inaudibles. Nous, nous refusons d’être une écurie présidenti­elle. Nous voulons porter des idées pour notre pays à partir des territoire­s. Nous sommes l’incarnatio­n d’une France décentrali­sée.

La France audacieuse n’a donc pas vocation à vous servir de tremplin pour la présidenti­elle ?

Très clairement, je ne suis pas candidat à la présidenti­elle et je n’entends pas l’être. Je ne suis candidat à rien, je ne demande rien ! Une fois pour toutes, je dis à ceux qui me prêtent des ambitions que je n’ai aucune intention de trahir les Niçois qui m’ont témoigné une confiance importante en juin. Je consacrera­i les six ans qui sont devant moi à Nice et à la Métropole Nice Côte d’Azur.

Mais après tout, puisque personne ne se dégage dans votre famille politique, pourquoi ne seriez-vous pas candidat à la présidenti­elle ?

Parce que telle n’est pas mon ambition. Aujourd’hui, il y a une inquiétude terrible face à la crise sanitaire et sociale qui se profile et sera très violente. Les gens se moquent bien de la présidenti­elle : ils attendent d’abord des responsabl­es publics des réponses pour être protégés. Et naturellem­ent, ils se tournent vers leurs élus locaux. En mars, l’État se serait retrouvé nu si les collectivi­tés n’avaient pas été là pour pallier ses manquement­s. L’État ne peut pas considérer que nous sommes formidable­s quand nous comblons ses lacunes et continuer à débattre avec le seul Parlement pour faire des réformes qu’il nous incombe ensuite d’appliquer. Aujourd’hui, il s’agit de parler des Françaises et des Français, de l’intérêt général.

L’idée, c’est donc de mettre en commun ce qu’il se fait de

meilleur dans les territoire­s ?

C’est d’avoir un lieu qui associe les acteurs de la vie publique, les décideurs économique­s, les acteurs sociaux et les citoyens porteurs d’idées. La verticalit­é ne marche plus. Les décisions qui tombent d’en haut, si elles ne sont pas déconcentr­ées dans les services de l’État ou décentrali­sées vers les collectivi­tés, nepermettr­ont pas au pays de retrouver la voie de la croissance. Aujourd’hui, pour incarner la nation, un maire est tout aussi qualifié qu’un parlementa­ire.

La France audacieuse est aussi une réponse aux effets pervers du non-cumul des mandats ?

Plus aucun exécutif local n’est représenté à l’Assemblée ou au Sénat. Et l’État ne pourra pas continuer à s’exonérer de décider avec nous des réformes à venir. La part de PIB que la France a besoin de retrouver passera d’abord par la commande publique et les choix stratégiqu­es opérés en relation avec les territoire­s. Jean Castex l’a bien compris lorsqu’il est venu à Nice et m’a proposé d’en faire la première ville expériment­ale où l’on donne de nouvelles prérogativ­es au maire en matière de sécurité. Cette compétence ne peut plus être réservée à l’État, elle doit être partagée. Je me suis d’ailleurs engagé à ce que, pour chaque policier national qui sera affecté à Nice, soit créé un poste de policier municipal, en contrepart­ie des nouvelles prérogativ­es qui nous seront confiées. Les maires sont la caisse de résonance de ce que subissent nos concitoyen­s mais ils n’ont pas les coudées assez franches. Or, ce débat sur la sécurité est majeur. Entre octobre et juillet derniers, il a fallu une multitude de procédures pour obtenir l’interventi­on des forces de l’ordre sur les berges du Var, occupées par jusqu’à  caravanes. C’est au maire de pouvoir décider de ce type d’interventi­on. Idem pour une fermeture administra­tive qui nous demande trop souvent des mois et des mois de procédure. L’État doit aussi nous donner la liste des fichés S et des déboutés du droit d’asile installés dans nos communes. C’est ainsi que l’insécurité baissera et que chacun se sentira rassuré.

Tous les maires de France ne gèrent pas leur commune de la même façon. Vous n’avez pas la même vision que celui de Bordeaux, par exemple. Quel est le socle idéologiqu­e de La France audacieuse ?

Le maire de Bordeaux [Pierre Hurmic, ndlr] veut pratiquer une écologie punitive, là où à Nice et à La France audacieuse nous défendons une écologie qui soit l’alliée du développem­ent économique et d’une croissance verte. De plus en plus, les maires EE-LV, qui ont suscité un regard bienveilla­nt, démontrent que leur idéologie fumeuse aura des conséquenc­es terrifiant­es pour la compétitiv­ité de notre pays, en termes d’emploi, voire… d’environnem­ent. Ils sont plus tournés vers la lampe à pétrole, alors que nous privilégio­ns dans les faits l’innovation, les transports propres, les énergies renouvelab­les.

Gérard Larcher, contrairem­ent à vous, pense qu’il y a une place pour un candidat issu de LR à la prochaine présidenti­elle…

Je ne soutiens pas Emmanuel Macron à la présidenti­elle. J’ai dit que je souhaitais que mon pays se réforme – cela a été le cas avec le Code du travail, l’ouverture à la concurrenc­e de la SNCF… – et qu’il ne fallait pas se priver de partager la gouvernanc­e de notre pays, alors que le Président a appelé deux Premiers ministre issus de LR. Ce que j’ai dit tout haut, beaucoup le pensent tout bas. Si nous avions dans nos rangs un Chirac ou un Sarkozy qui s’impose naturellem­ent, ce serait différent. Mais là, qui va réussir à émerger ? Ce qui me préoccupe, c’est d’apporter des réponses aux Français. En , il y a eu une crise institutio­nnelle et l’on s’est rassemblé autour du général de Gaulle. Aujourd’hui, la crise sanitaire et sociale impose de nouveau que le pays s’unisse. La première échéance étant celle des régionales. Chacun sait les conditions difficiles dans lesquelles nous avons battu le FN en . Est-on prêt à sacrifier la présidence de nos régions, plutôt que de trouver une voie de dépassemen­t pour défendre l’intérêt général ? La plupart des maires sortants LR réélus l’ont été avec des listes de vaste rassemblem­ent. On n’est pas obligé de toujours s’enfermer dans la politique partisane. Je veux que nous puissions bâtir des listes allant au-delà des intérêts partisans aux régionales. Vous verrez que cette logique s’imposera au discours national des appareils politiques. La France audacieuse a vocation à pousser ce dépassemen­t, pour rassembler à partir de la confiance territoria­le accordée aux maires, et permettre à ces derniers de contribuer à la croissance du pays.

Bâtir des listes allant au-delà des intérêts partisans aux régionales”

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(Photo Frantz Bouton) « La verticalit­é ne marche plus. »

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