LA GUERRE DES TESTS
Face à la demande, les laboratoires au bord de l’explosion Que valent les nouveaux procédés ?
Pourquoi réaliser des tests de dépistage de la Covid-19 ? Quels sont les bénéfices en termes de santé publique ? Comment expliquer cette ruée sur les laboratoires de biologie ?… Pendant que l’on traque l’arrivée de nouveaux tests, antigéniques, salivaires, plus rapides, moins invasifs, que l’on débat de leurs performances, de leurs points forts et points faibles, de la date de leur mise sur le marché, on en oublie de se poser ces questions fondamentales. Au départ, la stratégie était somme toute assez simple à comprendre : dès que quelqu’un présentait des symptômes évocateurs de la maladie Covid (toux, fièvre, nez qui coule, ou encore perte du goût ou de l’odorat), on le testait, on l’isolait, et on s’intéressait à ceux qui l’avaient côtoyé. Objectif : mettre sous cloche tout ce petit monde pour éviter que le virus ne circule et ne frappe les personnes vulnérables, celles à risque de formes graves relevant de l’hospitalisation. Ça, c’était avant, quand on traquait le virus et que l’on essayait encore de limiter sa circulation. À cette époque (mois de mars, avril derniers), on manquait de tout en France, et on appelait de tous nos voeux le développement des tests de dépistage, les yeux rivés sur nos voisins allemands et le succès apparent de leur « stratégie de dépistage massif ». Et puis il y a eu l’été. Libérés du carcan du confinement, et de la plupart des mesures restrictives, les Français ont voyagé, se sont retrouvés, ont fêté ce qu’ils ont vécu comme une libération.
Aujourd’hui, le virus circule activement, déjouant certains pronostics. Alors le sujet des tests est revenu sur le tapis. Très critiqué pour ses difficultés à les déployer à grande échelle, l’État français a pris sa revanche. L’objectif d’un million de tests par semaine – annoncé par Olivier Véran le 27 août dernier – est aujourd’hui dépassé, plaçant la France dans le top 10 des pays qui testent le plus au monde. De quoi réjouir a priori nos gouvernants. De quoi les déstabiliser aussi lorsqu’ils découvrent que la situation est ingérable. La montée en puissance du nombre de tests de dépistage a eu pour effet d’épuiser les professionnels de la biologie médicale – évidemment impuissants à faire face à une telle affluence – sans enrayer la progression du virus. Ainsi, après avoir convaincu les Français que l’issue était dans « tester, tester, tester… », ils en appellent aujourd’hui à la priorisation (lire par ailleurs) des cas. Injonction paradoxale qui plonge la population dans la perplexité.
Le retour à la raison
Où en sommes-nous aujourd’hui ? À raison d’1,2 million de tests de dépistage par semaine et environ 5 % de positivité, c’est plus de 8 500 personnes qui se découvrent chaque jour positives. La majorité d’entre elles ne présente aucun symptôme et s’est fait dépister « par hasard », parce que les instances sanitaires leur avaient si bien « vendu » le test (même s’il est gratuit, rappelons-le !). Ou alors parce qu’elles avaient croisé quelqu’un qui était cas contact de quelqu’un de positif (sic). Comment savoir à quel stade de l’infection toutes ces personnes sont-elles ? Sont-elles contagieuses ou portent-elles les résidus d’un virus avec lequel elles sont entrées en contact il y a plusieurs semaines, voire des mois ? Les tests sur le marché aujourd’hui ne le disent pas. Quelle stratégie dès lors mettre en place ? Les isoler ? Tracer tous leurs contacts ? Mais sur quelle période ? Avec quelle incidence sur le fonctionnement de notre société, de ses écoles, de ses entreprises ? À côté de cette population dépistée par hasard, il y a toutes ces autres personnes qui ont résisté au « chant du test », et qui sont « malades » sans le savoir, faute de symptômes. Cette population dite « asymptomatique » – potentiellement contagieuse – a été identifiée très tôt. Une menace invisible dont on se protège efficacement grâce à ces mesures barrières que les spécialistes nous exhortent à respecter : masque, distanciation physique, hygiène des mains, attention accrue vis-à-vis des plus vulnérables… La priorisation annoncée des tests (personnes symptomatiques, cas contacts à risque, professionnels de santé) sonne comme un retour à la raison. L’hiver approche, avec son lot de virus respiratoires responsables de rhumes, rhino-pharyngites, grippes saisonnières, bronchites… aux symptômes aussi évocateurs de la Covid. Et là, les tests seront plus qu’utiles, ils seront vitaux.