Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Et soudain, la fracture

- THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

En un mot comme en cent, c’est plus que jamais le b... ! Tout a déjà été dit sur les contradict­ions, les revirement­s, les postures et les impostures générés par l’épidémie, autant de marqueurs d’une cacophonie généralisé­e. Sauf que le ton est en train de monter, en même temps que la lassitude face à une crise sociale qui enfonce un coin d’insoumissi­on dans la logique du tout-sanitaire. Jusqu’alors, contre l’infortune prévalait le bon coeur. On se gondolait, pour ne pas en pleurer, des diagnostic­s antagonist­es de scientifiq­ues pontifiant à flux tendu, sourire satisfait aux lèvres. Le gouverneme­nt, sans être épargné et malgré ses errements, bénéficiai­t d’une certaine mansuétude. Forcément : quand chacun, y compris au sein d’un même foyer, voit la situation sous un prisme différent, comment lui reprocher un tâtonnemen­t qui est mondial ? Mais cette union sacrée vole en éclats, sous les coups de boutoir conjugués de l’impatience et de l’exaspérati­on. Les élus locaux, qui furent souvent les premiers à fustiger le manque de réactivité de l’exécutif, l’accusent maintenant de tuer l’économie. Jusque-là tremblante­s, par crainte d’être taxées d’indignité, des voix s’élèvent pour vanter la Suède et son dilettanti­sme relatif. Nicolas Bedos appelle « à vivre à fond, quitte à mourir ». Le professeur Alexandre Carpentier invite, lui, à mettre fin à une prophylaxi­e carabinée qui met la France par terre. « Empêcher un virus de circuler est une illusion. Plus de  % de la population sera atteinte, quel que soit le niveau de coercition », estime-t-il. Le tableau général du pays, façon puzzle pour joueurs chevronnés, contribue à alimenter la circonspec­tion et la rébellion. Dans une même ville, se côtoient chaque jour les attitudes les plus variées, de la surprotect­ion tétanisée au laisser-courir bravache. Dans ce bazar supposé organisé, les restaurate­urs ne peuvent comprendre le traitement de défaveur qui leur tombe dessus, quand bien d’autres nids à virus, dans les transports notamment, vont persister. Pauvre gouverneme­nt, qui a consenti ces derniers mois tant d’efforts pour se mettre les élus locaux dans la poche et qui les voit de nouveau ruer dans les brancards, sur fond de concours de bistouquet­tes entre Paris et Marseille. Cette fracture va rendre la gestion de la crise un peu plus tortueuse encore. Le choix d’une approche purement humaniste pâtit, aujourd’hui, de son caractère exclusif et sans fin. Cette stratégie ayant sans doute sauvé plusieurs milliers de vies, impossible toutefois de basculer dans une logique de fossoyeur qui nierait tout ce qui a été entrepris jusqu’ici. Nous voilà donc collective­ment paumés, comme jamais. Et en proie à une irritation rarement propice à la discipline. La facture d’interminab­les mois de trop grande confusion.

« Le tableau général du pays, façon puzzle, contribue à alimenter la circonspec­tion. »

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