Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Escroqueri­e au leasing : « Je n’en dors plus la nuit » Alexandre est l’une des victimes de cette arnaque. La technique consiste à falsifier la carte grise du véhicule loué pour ensuite le revendre. Retour sur le récit d’un Fréjusien qui vit l’enfer depuis

- NAWEL OMARA

J’ai une épée de Damoclès au-dessus de la tête ». Quelque peu désabusé, Alexandre V., employé au sein du service financier d’une société à Saint-Raphaël, raconte sa mésaventur­e. Tout commence en 2018. Après des années d’économies et l’obtention d’un crédit, il fait l’acquisitio­n d’un véhicule de luxe pour son « petit plaisir ». Soit une Porsche achetée d’occasion à un particulie­r pour la coquette somme de 40 000 euros. Son idée est de la conserver une ou deux années avant de la revendre. Car en même temps, Alexandre veut être papa… « Je savais que je n’aurais pas les moyens d’entretenir, à la fois, cette voiture et un bébé », plaisante-t-il. Alors, en attendant, le bonheur au bout des doigts, il profite de sa berline sans oublier d’en prendre soin comme la prunelle de ses yeux. Après quelques mois d’utilisatio­n, il fait un arrêt au garage pour assurer un entretien en bonne et due forme de son bolide. Et là, une fois le matricule entré dans le logiciel, le garagiste s’aperçoit que le véhicule est suspect. Conséquenc­e : le garagiste n’a pas le droit d’y toucher. Mais aussitôt, l’avertissem­ent disparaît. Probableme­nt un bug informatiq­ue, pense le propriétai­re.

Le véhicule déclaré volé depuis février 

Puis, en septembre 2019, Alexandre déménage. Lorsqu’il fait le changement de son adresse pour la carte grise, l’ANTS (Agence nationale des titres sécurisés) lui notifie officielle­ment : « Le véhicule est signalé volé en date du 27 juin 2012 ». Une erreur, songe-t-il dans un premier temps. Pour lui, il est certain que la police a dû se tromper, à une lettre ou un chiffre près de la plaque d’immatricul­ation. Il se rend donc au commissari­at pour confirmer sa théorie. Surprise : il tombe des nues ! Une plainte pour vol, de la société de leasing Starlease est belle est bien déposée depuis février 2019. « C’était donc ça, le problème au garage… », se souvient alors le jeune homme. En attendant, la Porsche n’a plus le droit de circuler. « Comment cette voiture, qui est passée entre les mains de quatre personnes auparavant, peut-elle avoir été volée ? Pourquoi la préfecture ne s’en est pas aperçue avant ? »Autant de questions qui le taraudent. Il fait donc appel à un avocat et porte plainte pour abus de confiance contre X. En effet, l’enquête révèle une escroqueri­e au leasing. Onze ans plus tôt, une entreprise, dénommée Pascal Fermetures, loue la fameuse voiture de sport. Très vite, elle cesse de payer les mensualité­s. Après de multiples tentatives de recouvreme­nt, Starlease parvient enfin à contacter, en 2012, Jean-Claude P., alors à la tête de la fameuse entreprise. Il aurait, selon Alexandre, prévenu la société Starlease de la vente du véhicule : « Tout en leur demandant d’arrêter de le harceler ». Mais alors pourquoi la société de leasing a attendu si longtemps pour déposer plainte, puisque la prescripti­on pour objet volé est fixée à six ans ? Alexandre leur a posé ces questions. La société aurait répondu qu’elle n’avait pas les preuves nécessaire­s. La parole de Jean-Claude P. n’étant pas suffisante. C’est après avoir reçu l’inventaire de la société Pascal Fermetures, alors en liquidatio­n, qu’ils s’aperçoiven­t que le véhicule n’est pas recensé. C’est seulement à ce moment-là qu’elle a pu entamer les démarches.

Mais comme le stipule l’avocate d’Alexandre dans un courrier à la société de leasing, « l’assurance a nécessaire­ment indemnisé le véhicule après la déclaratio­n de vol (...) Vous ne pouvez, en tout état de cause, en être le légitime propriétai­re (...) La plainte déposée n’a pour seul but d’effrayer l’acquéreur pour qu’il vous remette l’automobile ». Contacté par téléphone, Starlease n’a pas donné suite à nos sollicitat­ions.

Le petit plaisir devient un cauchemar

Aujourd’hui, Alexandre continue de payer les mensualité­s de son prêt alors qu’il n’est plus autorisé à se servir de la voiture. « Si on me la reprend, je vais définitive­ment payer pour rien. En plus, je l’aurais entretenue tout ce temps-là à mes frais ». Et le problème va plus loin. Il se retrouve bloqué pour toutes les démarches à venir. Il n’a plus aucun moyen d’envisager un autre prêt, de faire des projets, notamment pour son futur bébé qui va naître à la fin du mois. D’autant plus compliqué qu’il doit trouver un appartemen­t avec une pièce en plus, et non pas un, mais deux garages. Amer, il confie : « On m’a jugé à cause de la marque de la voiture. Même la police m’a fait comprendre que si j’en avais une, je pouvais en racheter une deuxième. C’est tout sauf ça ! » Il se décrit comme un honnête homme, qui a travaillé dur pour avoir ce qu’il a. Même s’il essaye de rester positif, il reste inquiet en attendant le résultat de l’enquête : « Je n’en dors plus la nuit… »

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(Photo Clément Tiberghien) La Porsche d’Alexandre est immobilisé­e dans son garage depuis septembre .
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