Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Reportage sur le Vieux-Port au premier soir du couvre-feu

Alors que le Var a échappé au confinemen­t nocturne, récit à quelques kilomètres de là sur le VieuxPort où samedi à 21 heures, la cité phocéenne est passée à l’heure d’hiver puissance dix…

- JEAN-MARC VINCENTI jmvincenti@nicematin.fr

D’un coup, ou presque. Samedi soir, à 21 heures, Marseille a basculé sous couvre-feu. Entre Vieux-Port et Canebière, récit au coeur d’un passage à l’heure d’hiver puissance dix...

■  h , Cours Honoréd’Estienne-d’Orves

Étrange. Sur l’une des places les plus animées de Marseille et dans le carré des rues ultra-commerçant­es avoisinant­es, à quelques encablures du Vieux-Port, l’ambiance, bien que toujours festive, est à la fin de soirée. Les terrasses d’ordinaire bondées sont clairsemée­s. Quand elles ne sont pas carrément déjà fermées. Dans les restaurant­s, on sert les desserts. « Entre 20 heures et 21 heures ! C’est l’heure où l’on a le plus de monde ! s’exclame résigné, dans un accent rendu encore plus indéchiffr­able par le masque blanc qu’il porte, Singh Kuldeep, gérant de la brasserie O’Sud, en train de remballer chaises et tables. Avant, avec la tolérance d’ouverture jusqu’à 23 heures, c’était correct. »

■  h , Quai de Rive-Neuve

« Nous avons l’autorisati­on de circuler puisqu’on travaille », lancent Abdel Rzok et Boudaoui Frih, deux livreurs Uber Eats qui font le pied de grue devant le restaurant McDonald’s où la circulatio­n est étonnammen­t fluide pour un samedi soir. Le premier a juste le temps de lâcher : «Ce couvre-feu, c’est n’importe quoi ! » quand une serveuse sort avec leur commande. Jusqu’à quelle heure serontils en mesure de livrer les clients du restaurant ? « Il va rester ouvert pour les livreurs ? non ? », demande Boudaoui. « Oh ! On ne sait rien, comme d’habitude », renvoie l’employée dans un rire las.

■  h , Quai des Belges

Dans une ambiance surréalist­e à la Blade Runner ,àdeux pas de l’Ombrière de Norman et du départ des navettes maritimes pour l’Estaque et Pointe Rouge devant lequel les silhouette­s d’une dizaine de passagers se dessinent dans l’obscurité ; à la bouche de métro “Vieux-Port – Hôtel de ville” un ruban électroniq­ue rouge luminescen­t défile en avertissan­t : « Port du masque obligatoir­e. Suite aux mesures Covid, horaires inchangés. Attestatio­n obligatoir­e de 21 heures à 6 heures du matin ».

■  h , Haut de la Canebière

Est-ce parce que les commerces de bouches y sont moins nombreux ? Les passants ont l’air de se hâter plus tranquille­ment en haut qu’en bas de la Canebière ? Bizarremen­t, la précipitat­ion à rentrer chez soi va crescendo plus on redescend vers le Vieux-Port. Devant le fast-food Les Jumeaux, à 15 minutes du coup de sifflet, on prend encore les commandes. Comme si de rien n’était. Jusqu’à la limite.

■  h , Angle du Bd Garibaldi

Au cri de «Onalarage,ona pas le Covid ! », une centaine de jeunes manifestan­ts anti couvre-feu investisse­nt la Canebière où ils bloquent la circulatio­n. Dénonçant les conséquenc­es du confinemen­t nocturne, ils descendent du quartier de La Plaine où ils ont répondu à un appel à manifester lancé sur les réseaux sociaux. « On est en dictature ! La dernière fois c’était en 1941 avec les Allemands, non ? Le Covid, c’est un prétexte pour nous manipuler et construire le 3e ordre mondial », analyse, l’un des manifestan­ts Jérémy Gantaumo, 26 ans, au RSA.

■  h , La Canebière

« Cinq, Quatre, trois, deux, un… zéro ! » D’une même voix, la foule déroule un compte à rebours de passage à l’année nouvelle qu’elles concluent à 21 heures, par des cris de joie, appuyés par les coups d’avertisseu­rs sonore frénétique­s d’un taxi. « Il est 21 heures et on n’est pas couché… ». Des chants improvisés conduisent les manifestan­ts devant la préfecture des Bouches-duRhône par la rue Saint-Ferréol. Au bout d’une dizaine de minutes, la manifestat­ion repart. À 22 heures elle était toujours active.

■  h , Vieux-Port Cours Jean-Ballard

Le temps semble s’être accéléré. Les rues sont vides. Des retardatai­res prennent leur temps sous le regard indifféren­t des sans domiciles fixes, engoncés dans leur couverture, couchés sur les trottoirs. Devant les fastfoods vides, les livreurs patientent. À quelques minutes d’une vaste opération de contrôle, Emmanuel Barbe, le préfet des Bouches-duRhône, vient d’annoncer : « Nous allons faire de la pédagogie jusqu’à 22 heures, ensuite nous verbaliser­ons ». Quelque 260 policiers et gendarmes ont été mobilisés sur la Métropole. La longue file des véhicules de police, gyrophares clignotant­s, démarre et remonte le cours Jean-Ballard, qui longe le cours Honoré-d’Estienne-d’Orves. Cette impression qu’il est quatre heures du matin.

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(Photos J. -M. V.) Alors que certaines terrasses ferment dès  h , comme à la brasserie O’Sud (en bas au milieu), des manifestan­ts anti couvre-feu, motivés – « C’est un prétexte pour nous manipuler », analyse l’un d’eux, Jérémy Gantaumo (en bas à gauche) – investisse­nt le centre-ville…
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