Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La semaine de Claude Weill

- Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Dimanche

Plongé dans le thriller noir, plutôt « Brun et Rouge », de Michèle Cotta et Robert Namias (Robert Laffont). Le pitch : en , la présidenti­elle porte au pouvoir une jeune femme blonde au profil angélique, dirigeante de « La France d’Abord ». Pour asseoir son pouvoir, elle s’allie avec le tonitruant leader de l’extrême-gauche. Toute ressemblan­ce etc. n’est évidemment pas fortuite. De l’euphorie des débuts à l’épilogue chaotique de ces noces populistes – que nous nous garderons de déflorer –, ce voyage dans un futur possible, paradoxale­ment, fait paraître moins insupporta­ble notre terrible présent.

Lundi

Les chiffres parlent. En Suisse, depuis le 1er octobre, le nombre de cas positifs quotidiens a augmenté de 1200 %. En Italie et en Pologne, de 680 %. En République tchèque, de 416 % ; en Allemagne, de 373 %. Et en France ? De 173 %. Mais elle partait de beaucoup plus haut, ayant été touchée en premier par la deuxième vague ! Ce qui la place au e rang en Europe, derrière la Suisse. Vous le voyez venir, le reconfinem­ent ?

Mercredi

On l’avait vu venir. Et pourtant, devant l’annonce par Emmanuel Macron d’une deuxième période de confinemen­t, on ne peut se déprendre d’un sentiment de sidération. Impression d’être rejeté sept mois en arrière. Comme dans ces cauchemars où l’on erre sans fin à la recherche d’une porte qui toujours se dérobe. Comment en est-on arrivé là, ou plutôt revenu là ? Après coup, il est assez aisé d’analyser les causes. La première se nomme relâchemen­t : après le funeste printemps, on a cru en avoir fini. On était tirés d’affaire. Alors abandon des gestes barrière et du gel, masques portés en dépit du bon sens, proliférat­ion des fêtes privées... La deuxième, c’est la mise en échec de notre ligne Maginot sanitaire : le triptyque tester-tracerisol­er. Labos submergés ; traçage trop souvent impossible (trop de cas à investigue­r) ou inutile (quand les résultats arrivaient trop tard) ; isolement pour le moins… élastique. Ajoutez la défiance, qui a planté l’appli StopCovid. Ajoutez qu’à la différence de la déferlante de mars, la deuxième vague a été précédée d’une lente marée montante - peu d’entrées en « réa », peu de décès – créant l’illusion que cette fois, « ce n’était pas aussi grave ». Ajoutez la cacophonie des hommes en blanc, les théories complotist­es, les charlatane­ries des experts en cartonpâte qui ont embrouillé les esprits par leurs prophéties « rassuriste­s » – mieux vaudrait dire négationni­stes –, avec l’aide complaisan­te de tels médias en quête de buzz… De tout cela, il faudra se souvenir, au cas où… Pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.

Jeudi

Simone Barreto Silva avait 44 ans et trois beaux enfants. De grands yeux rieurs et un sourire espiègle. « Elle souriait pour tout, et même pour rien », disent ses amis. Elle était aide-soignante et s’occupait de personnes âgées. Avant d’aller au travail, elle a voulu se recueillir de bon matin à la Basilique Notre-Dame de Nice. C’est là que le terroriste l’a poignardée. Avant de rendre son âme à Dieu, Simone a murmuré : « Dites à mes enfants que je les aime. » Ces mots si simples nous serrent le coeur. Pour Simone, pour Nadine, pour Vincent, on aimerait tant être sûr que le paradis existe… Le même jour. Cette image : à quelques heures de minuit, dans le centre de Paris, deux cents manifestan­ts anti-confinemen­t (ambiance gilets jaunes, « Macron démission ! », etc.), défilent, goguenards, devant des terrasses de café où les jeunes branchés s’agglutinen­t, sans masque, pour « profiter de la dernière soirée ». Lesquels sont les plus irresponsa­bles ? Etrange pays de France où chacun réclame des autorités des décisions claires et tranchées. Mais où beaucoup, s’autorisant de la défiance ambiante, se réservent d’accommoder les consignes sanitaires à leur guise.

Vendredi

De Dacca (Bangladesh) à Islamabad (Pakistan), de Bhopal (Inde) à Beyrouth, dans les territoire­s palestinie­ns et jusqu’à Londres, quelques milliers de manifestan­ts, ivres de rage et de propagande, conspuent la France des caricature­s. On brûle le drapeau tricolore. On piétine la photo d’Emmanuel Macron. On rêve de « décapiter le blasphémat­eur ». On jure de venger « l’offense faite au Prophète ». Qui leur dira, à ces fanatiques, que ce sont eux, en ce jour de prière, anniversai­re de Mahomet, qui par leur folie font offense à leur Prophète. Eux qui, dans leur frénésie, offrent la pire caricature de leur religion.

Samedi

Le couple de queues rousses qui l’automne dernier avait niché dans le mur du jardin est de retour. Cachés au coeur d’un laurier, ils calculent leur approche. Tic tic. Ils tentent une timide sortie, s’enfuient, reviennent, s’enhardisse­nt. La vie est là. L’increvable vie… Le soleil d’automne caresse la cime des oliviers, dont les branches ploient sous le poids des fruits encore verts. L’hiver semble ne devoir jamais arriver. La fumée des premiers feux de cheminées vole dans le ciel d’un bleu imperturba­ble. Le même qu’au printemps passé. Bleu est la couleur des périodes de confinemen­t. Comme une amère consolatio­n… Ou une promesse ?

« Dites à mes enfants que je les aime. » Ces mots si simples nous serrent le coeur. Pour Simone, pour Nadine, pour Vincent, on aimerait tant être sûr que le paradis existe…

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