Dans le sillage des pointillistes
Le peintre Henri-Edmond Cross, fondateur du Salon des indépendants, s’installe sur le littoral varois en 1891. C’est là qu’il expérimentera avec ses amis la technique inventée par Seurat.
En octobre 1891, le peintre Henri-Edmond Cross, fondateur du Salon de la société des artistes indépendants, débarque avec sa compagne Irma Clare à la gare du Pin de Bormes. Ils s’installent dans une « maison perdue », au hameau de Cabasson, face à de l’îlot de Brégançon. Sans doute sur l’actuelle propriété du duché du Luxembourg. À l’époque, point de caméras ni de gardes armés jusqu’au cou, dans ce splendide coin sauvage où vit une petite communauté de pêcheurs et de paysans. Représentant majeur du courant pointilliste, proche des néoimpressionnistes et de leurs idées libertaires, Cross y découvre un cadre de rêve pour mener ses travaux picturaux. C’est en s’installant dans le Var que cet ancien naturaliste natif de Douai va se passionner pour le divisionnisme avec son ami Paul Signac. Paul qui lui avait tant vanté la lumière féerique et la beauté de ces paysages côtiers qu’il a immortalisée entre Cassis et Saint-Tropez où il vivra deux décennies à la villa La Hune, sous la citadelle 26 juillet). (notre édition du
De Cabasson à Saint-Clair
La technique du divisionnisme, inventée par Georges Seurat – aussi appelée chromo-luminarisme ou pointillisme – préconise l’application de petites taches de couleur pure juxtaposées. En obligeant l’oeil et le cerveau du spectateur à combiner optiquement les couleurs, les divisionnistes croyaient atteindre le maximum de pureté et de luminosité possible. Le travail sur toile est très minutieux et prend énormément de temps. Au fil des correspondances avec ses amis du groupe des XX, on découvre la passion enthousiaste de ces peintres qui sont aussi des chercheurs, à retranscrire cette orgie de lumière et l’éblouissante palette qui évolue au fil des minutes. À Cabasson où il va rester un an avant de s’installer à Cavalière puis à Saint-Clair au Lavandou où il repose aujourd’hui non loin de son ami, le peintre belge Théo Van Rysselberghe, Cross et les pointillistes ont trouvé leur Graal. Le peintre écrit à Signac : « Des collines de pins et de chênes-lièges viennent mourir doucement dans la mer et s’offrent en passant ; une plage de sable d’une finesse ignorée au bord de la Manche (...). Ma minuscule salle à manger est toute gaie. Fleurie de roses cueillies à la haie d’en face et de branches d’arbousiers aux fruits rouges, orangers et jaunes, semblables aux pompons de tambours de basque de la Plaza. La splendeur des oranges et la grâce des bleus. »
Des oeuvres majeures de l’histoire de la peinture
« On notera qu’en quelques mois, Cross va peindre, là, à Cabasson, quelques-uns de ses plus beaux tableaux néo-impressionnistes, maîtrisant merveilleusement cette technique du divisionnisme qu’il vient à peine d’adopter : Pointe de la Galère, Plage de peigne-cul,
Plage de la Vignasse, Calanque des Antibois, Vendanges …Et l’étonnant Les Iles d’Or où Cross flirte avec l’abstraction », souligne Raphaël Dupouy, en charge de la programmation de la villa Théo au Lavandou – un centre artistique aménagé en 2017 dans l’ancienne maison de vacances de Théo Van Rysselberghe – qui a entrepris depuis plus de deux décennies, de multiples recherches afin de mettre en lumière ce pan de l’histoire de l’art méconnu et son ancrage local.
Le travail sur toile est très minutieux et prend énormément de temps