L’arrivée de Matisse à Nice en pleine tempête
Le grand peintre n’a jamais oublié son arrivée à Nice, en 1917, sous la pluie. Un an plus tard, il a pris son pinceau et a reproduit la scène.
Ah, le sale temps ! La promenade des Anglais est balayée par la pluie, le ciel est angoissant, la mer boueuse, les palmiers sont ébouriffés, les vagues se brisent dans des flots d’écume. La Côte d’Azur est méconnaissable. On croirait une atmosphère de mousson. Tout est gris, ocre. Les arbres se reflètent dans le sol mouillé. Il ne fait pas bon de mettre le nez dehors. D’ailleurs il n’y a personne, à part quelqu’un dont le parapluie menace de s’envoler. Il y a pourtant des raisons d’espérer. Voyez, sur la droite, cette traînée de bleu transparent, au-dessus des montagnes lointaines. Après la pluie, le beau temps !
Le peintre voulut repartir aussi tôt
Cette vision de la Baie des Anges est celle que le peintre Henri Matisse a eue, pour la première fois lors de son arrivée à Nice, le 20 décembre 1917. Il s’installa à l’Hôtel Beau Rivage, au 107, quai des États-Unis. Il avait 48 ans. Le pays était en guerre. La désolation régnait sur la France et le monde.
Les morts, les privations, les difficultés à se déplacer. Le peintre, qui venait de Marseille et souffrait d’une bronchite, pensait qu’il trouverait sur la Côte un climat pour guérir. Seulement, ce jour-là, le beau temps n’était pas au rendezvous...
Dépité, il décida de repartir le jourmême et refit ses bagages. Si, soudain, il ne s’était pas remis à faire beau, il aurait repris le train et ne serait peut-être jamais revenu. La grande rencontre entre Matisse et la Côte d’Azur n’aurait pas eu lieu. Sachons gré à la météo de s’être soudain calmée ! Matisse resta donc à Nice – ce qui n’empêcha pas le mauvais temps de revenir quelques jours plus tard. Le 31 décembre 1917, jour de son anniversaire, il neigea. Ce tableau, intitulé Tempête à Nice, conservé au Musée Matisse de
Nice, n’a pas été peint lors de ce premier séjour, mais lors du suivant, à l’automne 1918.
Après la pluie, le beau temps
Car Matisse est, en effet, revenu un an plus tard. Et – bis repetita –ilfit à nouveau mauvais temps. Cette fois-ci, le peintre dressa son chevalet et sortit son pinceau. Lors de ce séjour, il résidait à l’Hôtel de la Méditerranée qui se trouvait au numéro 25 de la promenade des Anglais et qui n’existe plus aujourd’hui. On voit le balustre de sa chambre au premier plan du tableau. « Avec ce tableau, Matisse revient à la peinture des paysages qu’il avait abandonnée, nous explique Claudine Grammont, directrice du Musée Matisse à Nice. On constate, comme chez les impressionnistes, une immédiateté dans la manière de peindre, un désir de capter l’atmosphère de l’instant. Cela rend l’atmosphère du tableau très réaliste. » Le lendemain, le beau temps était revenu. Et avec lui, l’enchantement de la Côte d’Azur. Matisse écrivit par la suite à sa mère : « Quand, en ouvrant ma fenêtre, je pensai que j’allais avoir tous les jours cette lumière devant les yeux, je ne pouvais croire à mon bonheur... » Et, de son bonheur, il a fait le nôtre.
Une immédiateté dans la manière de peindre, un désir de capter l’instant”