Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Meurtre d’Ichem à St-Raphaël : le verdict attendu demain

Ichem Guerriche, 20 ans, a été tué en août 2015 dans une violente rixe sur le parking d’une discothèqu­e. Trois suspects sont jugés cette semaine. Retour sur les premiers jours du procès

- V. W.

Depuis lundi, trois jeunes Niçois comparaiss­ent devant la cour d’assises du Var, à Draguignan. Fahd Aachemi Raouafi, Mehdi Ben Makken et Jérôme Mughisa sont accusés d’avoir porté des coups mortels sur Ichem Guerriche lors d’une bagarre sur le parking de la discothèqu­e Le Colisée, à Saint-Raphaël, le 29 août 2015. Les jurés ont jusqu’à demain pour se forger une conviction.

La victime

De l’avis de tous, Ichem Guerriche était « un bon gars ». Aussi bien sportif que bringueur, le Fréjusien, âgé de 20 ans, évoluait depuis tout petit au sein de l’équipe de football de l’Étoile Fréjus/SaintRapha­ël. « C’était un jeune comme tout le monde, qui aimait la fête, danser, les filles… Mais c’était aussi un garçon serviable, très proche de sa famille », se souvient sa cousine Nadia Nadeau. Fils unique, il était particuliè­rement choyé par sa mère et sa grand-mère. Auxquelles il rendait la pareille. Le 28 août 2015, il décidait d’assister avec des amis à un concert de Booba à la discothèqu­e Le Colisée. « La soirée s’était bien passée, jusqu’à ce qu’Ichem se fasse expulser car il était sorti fumer avec un verre à la main », raconte Thibault B. Le groupe décide alors de s’en aller, d’autant plus que l’ambiance dans et en dehors de la boîte de nuit commence à s’alourdir…

Un mort au milieu du chaos

Un lynchage. Battu à mort, le visage « gonflé et méconnaiss­able » selon les témoins de la scène, Ichem Guerriche s’est noyé dans son propre sang. Quelques minutes avant d’être passé à tabac, le jeune homme et ses amis étaient remontés vers le parking supérieur. Alcoolisé, Ichem – ou Marouan D., l’enquête n’a pas pu le préciser – s’est appuyé sur le capot d’une Mercedes. De l’intérieur, Jérôme Mughisa lui demande « gentiment » de s’enlever. Mais le ton monte entre les Varois et les Niçois. Mehdi Ben Makken décide alors de déplacer son véhicule. Mais Jérôme Mughisa revient pour s’expliquer. Une bagarre éclate entre les deux groupes, mais aucun des accusés ne reconnaît avoir frappé Ichem Guerriche. « J’ai donné deux ou trois pêches, avoue Mehdi Ben Makken aux enquêteurs, mais je n’ai piétiné personne .» « Je me suis battu contre deux individus, mais personne n’est tombé », indique pour sa part Jérôme Mughisa. Pourtant, des coups particuliè­rement violents ont été portés au visage du Fréjusien. Le médecin légiste notera, lors de son examen, diverses fractures de la face et même une trace de chaussure audessus de la lèvre supérieure de la victime. Mais à quel moment les coups mortels ont été portés ? Telle est la question que ne cesse de poser la défense du trio niçois. Car immédiatem­ent ou presque après cette première rixe, une deuxième débute. Une « quinzaine de jeunes » s’en prend sans distinctio­n à toutes les personnes présentes aux abords de la discothèqu­e. « C’était un vrai carnage, note Thomas B., l’un des premiers à porter secours à Ichem. Il y avait du monde au sol de partout .» Plusieurs blessés sont à déplorer, par arme blanche notamment. À l’arrivée sur les lieux du sapeurpomp­ier Erwan H., le chaos règne encore. « Alors que je m’occupais de la victime, j’ai vu quatre hommes en frapper violemment deux autres jusqu’à ce qu’ils soient inconscien­ts », en tremble-t-il encore aujourd’hui. Il assiste aussi à une scène surréalist­e : le véhicule du Smur (service mobile d’urgence et de réanimatio­n), bloquant la sortie, est poussé dans un fossé par certaines personnes voulant quitter les lieux au plus vite ! À l’issue de l’enquête, les policiers identifien­t notamment Nabil A., surnommé « Ratus », et Flavio D. comme ayant participé à la seconde rixe. Ils attendent aujourd’hui encore leur renvoi devant le tribunal correction­nel, une ordonnance de non-lieu partiel faute de charges suffisante­s leur ayant été notifié le 3 décembre 2019 concernant la mort d’Ichem Guerriche. Mais pour la défense de Fahd Aachemi Raouafi, Mehdi Ben Makken et Jérôme Mughisa, l’un de ces deux hommes – ou un autre – aurait pu, dans la bataille, porter des coups à Ichem Guerriche.

Les accusés

Malgré leurs dénégation­s, auxquelles leurs parcours de vie relativeme­nt équilibrés donnent un certain poids, les accusés doivent faire face à plusieurs éléments à charge. En attendant demain la déposition de Fabien S., seul témoin présent avec Ichem Guerriche au moment des faits et lui-même victime (mâchoire cassée) – il a d’ailleurs désigné tout au long de l’enquête ses trois agresseurs –, la cour d’assises est revenue sur des éléments de téléphonie impliquant le trio. Et notamment une photo de sa main ensanglant­ée envoyée par Mehdi Ben Makken à une amie. « J’aimais beaucoup me vanter à l’époque, se justifie-t-il aujourd’hui. J’étais bête. Je voulais montrer que je m’étais battu. Mais je n’ai jamais touché Ichem Guerriche .» « Il y a un jeune homme qui a perdu la vie après avoir reçu des coups violents. Vous êtes sur les lieux au moment des faits. Et le lendemain, vous envoyez une photo de votre main… Il y a de quoi se poser des questions… », relève le président. Dans une autre conversati­on, il évoque la perte d’une chaussure lors de la bagarre. « Je me suis bagarré en soirée… J’ai mis un shoot, elle est partie dans la forêt… » Elle sera retrouvée non loin de la scène de crime. Des notes ont par ailleurs été relevées dans le téléphone de Jérôme Mughisa : « Pierre, trou dans le crâne, autres bagarres, témoins qui disent qu’ils étaient 15, pas de perquisiti­on, à première vue pas de ressemblan­ce »… « Comme on avait appris qu’il y a avait eu un décès à la soirée où nous étions, plein d’amis me demandaien­t des informatio­ns, explique le mis en cause. J’ai donc noté les éléments que j’avais en ma possession. On cherchait à savoir ce qu’il s’était passé… » « Pour autant, alors que vous auriez pu être considéré comme un témoin, vous ne vous êtes pas manifesté auprès des policiers », le sermonne le président. « J’estimais que je n’aurais rien apporté à l’enquête. J’avais juste mis un coup de poing à quelqu’un qui n’était pas Ichem Guerriche .» Fahd Aachemi Raouafi, semblant un peu plus en retrait lors des faits, est sur la même ligne. « Je n’ai rien vu qui aurait pu alerter les policiers. J’ai pris des coups, j’en ai donné, et je suis retourné à ma voiture .» Au milieu du chaos, gisait pourtant un homme. Mort.

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(Photo doc Philippe Arnassan) Une marche blanche avait été organisée à Saint-Raphaël quelques jours après la mort d’Ichem.
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(Photo Facebook) Ichem Guerriche.

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