Pour la beauté du zeste La Crau
À quelques kilomètres de distance, Mireille Blanc et Joëlle Étienne partagent la même passion des agrumes rares, combawa, yuzu, main de bouddha, à déguster en pâtisserie ou sur du poisson
Au mas Saint-Augustin à La Moutonne, Mireille Blanc veille sur 5 000 m2 d’exploitation sous serre d’agrumes de collection. C’est une reconversion : le couple qu’elle forme avec Christian a cultivé des Aelstroemeria, le lys des Incas, pendant 25 ans. La terre, les aléas climatiques, les contraintes de l’horticulture comme la raréfaction de la demande, ça les connaît. « Nous cherchions une plantation avec moins de frais fixes de production. On a entendu que la restauration cherchait des agrumes rares alors on s’est lancé. » D’abord le combawa, puis le citron caviar, prisé par les grands chefs pour agrémenter le poisson. Avec cette contrainte inhérente à la production d’agrumes, attendre 3 à 4 ans pour que les arbres arrivent à maturité et donnent des fruits en quantité. Même si tout ce qui est rare est cher, le secteur redescend sur terre. « Il y a eu tellement d’articles sur le soi-disant eldorado du citron caviar, que les agrumes ont attiré les convoitises. Mais les prix deviennent abordables aujourd’hui, ce qui permet de toucher les particuliers avec la vente en grandes surfaces comme Grand Frais », soutiennent-ils. Mais cette enseigne ayant interrompu son approvisionnement en citrons craurois, Mireille a dû faire face à un surplus de production en cette année déjà très particulière pour cause de Covid19 et de fermeture des restaurants. C’est avec soulagement qu’elle reçoit des commandes synonymes de reprise. Cinq à six cents kilos de citron caviar ont été produits entre juin et septembre. Le combawa et le yuzu partent en palettes. « Quand on fait de tels volumes, il faut s’adresser à des gens qui font de la quantité, on ne peut pas se contenter des restaurants du coin. Presque toute notre production passe par le marché de Rungis. Dans la région, on fait confiance aux grossistes André Herrero et TerrAzur. Le Domaine du Moulin à L’Ayguade est le seul commerce de détail que nous livrons, parce que Bernard Simondi est un ami ». À Paris, les agrumes du mas SaintAugustin bénéficient d’une belle vitrine au Bon marché et à la Grande épicerie. Depuis peu, les citrons sont transformés en confitures par Marion, la belle-fille de Mireille et Christian, sous la marque Lemon Story. L’ancienne chambre froide qui regorgeait de fleurs est devenue un laboratoire où trois cuissons sont pratiquées avec 55 % minimum de teneur en fruit, qu’il s’agisse d’agrumes divers et variés ou de figues AOP de Solliès. « Bien sûr que les agrumes rares sont à la mode et constituent un marché de niche, concluent-ils. Mais il faut savoir en sortir, trouver les débouchés en s’enlevant de l’idée que c’est réservé aux grandes tables. Ou sinon on va beaucoup jeter. »