« Vous pouvez acheter un livre, mais pas le prendre en rayon »
Trop fort, mon rédac’ chef ! En cinq minutes, il m’a convaincu de faire ce que je refuse à mon épouse depuis 22 ans : fouler le carelage d’un grande surface commerciale. Ma mission, puisque je l’ai acceptée, est de tenter d’acheter un « produit interdit » sans passer par le « click and collect ». Direction le supermarché Casino de Fréjus, avenue André-Léotard. À quelques mètres de l’entrée, les jouets, livres et vêtements me font de l’oeil. M’en saisir ? Impossible : des rubalises et un panneau me le défendent explicitement. En revanche, pantoufles et Crocs pendouillent sur les portants en accès libre. « Ce genre de choses, on a le droit de les vendre, justifie une employée en levant les yeux au ciel. Mais c’est vrai, c’est compliqué… Ça change tout le temps. »
« Il suffit d’appeler un vendeur »
J’aurais donc raté un épisode ? Pour m’en assurer, je mets le cap sur le Carrefour Grand Estérel de Puget-sur-Argens. À l’intérieur de l’hypermarché, les pantoufles déploient leurs mousses… hors de
portée de mes paluches. « Ah non, ça fait partie des articles visés par la loi, m’explique gentiment une jeune salariée. Il n’y a que le linge de maison et les vêtements pour bébés qui sont en
vente libre. D’ailleurs, vous voyez, ils sont dans un rayon à part… » Elle croise mon regard déçu, rivé sur la paire de charentaises siglées Mickey que j’imaginais déjà autour de mes phalanges. Un sourire
éclaire sa voix : «Sivoussavez exactement ce que vous voulez, il suffit d’appeler un vendeur. Il prendra ce que vous souhaitez, puis le portera jusqu’à une caisse spéciale où vous pourrez le payer et l’emporter. Ce que vous n’avez pas le droit de faire, c’est de vous servir ! » Confirmation quelques mètres plus loin. Une rubalise, mollement posée sur le rayon des livres, ne cache rien des derniers best-sellers. Une responsable me met à la page : « Alors, non, vous ne pouvez pas les prendre vous-même. Vous devez aller jusqu’à la borne rouge, au milieu de l’allée centrale, pour sonner un vendeur qui va prendre en charge votre roman et la porter à l’entrée du magasin, où vous pourrez la récupérer. Pareil pour les jouets. Si vous apercevez votre bonheur, vous nous montrez ce que vous voulez et on vous le met à disposition… » Il est donc inutile de passer par Internet ? On peut « collecter » sans « cliquer » ? Elle hoche la tête : « Ben oui ! Vous imaginez, avec toutes les personnes âgées qu’il y a dans notre région ? Ce serait bien trop compliqué pour elles. » Et moi qui m’attendais à une vraie mission impossible… Bye bye, Monsieur Phelps !