Vins de Bandol : la “campagne” de Lucien Peyraud
Passer d’une production de 100 a 40 hectolitres par hectare ; attendre 18 mois afin que les rouges vieillissent dans les barriques... le pari fou de Lucien Peyraud a-t-il su convaincre les vignerons ?
En 1930, Lucien Peyraud reprend l’exploitation de ses beauxparents, le domaine Tempier. Après la guerre, en 1945, on replante dans le seul but de faire de la quantité : on fait “pisser” la vigne !
hectos et mois : une gageure !
Quelques-uns qui ne manquent pas d’initiative commencent à vendre leur vin en direct aux particuliers, Marcel Ott, à l’est du département, et Léon Ricard (Les Salettes), à l’ouest, en sont. Le vin est considéré comme un produit de consommation courante. Il est vendu en tonneaux de 25 litres. D’autres les imiteront, y compris les coopératives. Mais pour Lucien Peyraud, l’avenir est ailleurs. Il faut convaincre les vignerons d’aller vers la qualité, de planter du mourvèdre, seul cépage capable de redonner au vin sa véritable valeur et au terroir son unité. Moins productif de nature, on annonce qu’il faudrait passer de 100 à 40 hectos par hectare et attendre au moins 18 mois pour qu’il atteigne sa plénitude. Il fallait se montrer convaincant : il le fut.
La règle des quatre tiers
Lucien Peyraud fut président du syndicat pendant 37 ans et du comité national de l’INAO pendant 20 ans.
(1) Enfin la revitalisation du terroir, grâce au mourvèdre,
Il faudra attendre au moins mois pour que les rouges mûrissent dans les foudres des caveaux.
est en marche. Toutefois, il préconise de ne pas attendre de miracle et recommande de planter un tiers en mourvèdre, un tiers en grenache et tiers en cinsault, avec, ajoute-t-il un petit tiers de carignan. Jules Muraire aurait apprécié. Car le roi mourvèdre est réputé têtu : il n’aime pas trop qu’on lui impose des diktats ; il aime être récolté tard, lorsqu’il affiche au moins 13 °. Quant à sa vinification, il faut attendre plusieurs années pour qu’il se révèle pleinement : au moins 18 mois. De plus, il faudra persuader les amateurs de grands crus que Bandol est une grande région viticole, et que sa production n’est pas seulement destinée à être dégustée sous le soleil autour d’un
petit rosé et d’une partie de pétanque...
Le coup de foudre collectif
À cette époque, comme un peu partout dans les régions rurales, on préfère vivre dans une HLM et manger du poulet aux hormones sur une table en formica. La transition s’avère difficile et puis, le citadin est à l’affût : la résidence secondaire commence à devenir à la mode. Pourquoi ne pas remplacer les plants de vigne par des plans de construction, bien plus rentables sur l’instant ? Les paysans s’organisent, s’accrochent, tandis que d’autres, venus d’Afrique du nord, les rejoignent, tout comme des néophytes : et tous finissent par véritablement créer “l’esprit
vin de Bandol”. Ils parviennent aussi à donner un nom à leurs domaines. Ce sont leurs lettres de noblesse. Les générations se succèdent, et même les filles s’y mettent. Quand le vin est tiré i, dit-on, faut le boire... mais il faut surtout le vendre. À ces premières générations en succéderont d’autres, qui sauront passer de la plume Sergent Major à Apple. Demain dernier volet : « Pourquoi Bandol et sa fête des vins ? » Var-matin en profite pour rendre aussi hommage à Lucie Peyraud, dite « Lulu », récemment décédée et qui fut elle-même une grande ambassadrice des fameux vins de Bandol.
1- Institut national de l’origine et de la qualité