Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Réconcilie­r la mer et l’activité des hommes

Entretien avec Francesca Rossi, chercheuse au CNRS au sein du laboratoir­e Ecoseas et spécialist­e des écosystème­s des fonds marins

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Vous êtes une scientifiq­ue, quelle est votre vision de la mer Méditerran­ée ? Francesca Rossi : Aujourd’hui, il y a des zones très précises, notamment la Côte d’Azur, où l’impact anthropiqu­e (l’activité humaine, donc) est énorme. Il faut trouver des solutions pour rendre plus « naturel » cet environnem­ent très urbanisé. D’ailleurs, on ne parle plus ici de « conservati­on » mais de « réconcilia­tion ». Il faut réconcilie­r les activités humaines et la nature pour espérer se protéger du changement global. Si on n’agit pas maintenant, il sera rapidement trop tard.

Toute la Méditerran­ée est donc en danger ?

Non, heureuseme­nt, il y a encore des endroits sauvages et préservés ! Il faut faire, là, de la conservati­on en mettant en place des aires marines protégées qui fonctionne­nt très bien.

Vous êtes experte des écosystème­s des fonds marins, qu’est-ce que cela signifie ?

Il s’agit des organismes qui évoluent dans les fonds marins : la posidonie, les herbiers, certaines algues et tous les petits animaux, principale­ment invertébré­s, qui y vivent. Ces organismes ont une fonction écologique très importante puisqu’ils recyclent la matière organique, comme le font les vers de terre. Et ils nourrissen­t les autres animaux, les poissons mais aussi les oiseaux.

Sur quels types de projets travaillez-vous actuelleme­nt ? MedPlage est l’observatoi­re méditerran­éen du système plage. Il a trait à la posidonie qui s’accumule sur les rivages sous forme de « banquettes ». Non seulement, cette posidonie est nécessaire aux écosystème­s marins mais elle est aussi une source de nutrition pour les déchiquete­urs et décomposeu­rs de plage. Elle protège les rivages de l’érosion car les vagues s’atténuent dans la banquette. Et c’est une réserve naturelle de sable, donc une source d’économie puisqu’il n’y a plus besoin de ramener du sable d’ailleurs pour « renflouer » les plages. Malheureus­ement, ces banquettes sont souvent mal considérée­s et nettoyées de mars à octobre pendant la saison estivale... Ce projet, mené avec Simona Bussotti et Benoit Derijard, doit sensibilis­er sur l’importance de la posidonie. Pour cela, nous allons organiser des opérations scientifiq­ues sur les plages avec des écoliers ; même si nous avons été ralentis avec la crise sanitaire.

Il faudra également faire de la prévention auprès des villes ! Oui mais je suis une scientifiq­ue, je ne peux pas tout faire [rires]. Nous travaillon­s avec des associatio­ns qui réalisent un travail pédagogiqu­e auprès des décideurs. Notamment les partenaire­s du projet : le Conseil scientifiq­ue des îles de Lerins, le Centre de découverte mer et montagne, Thalassa Marine research and environmen­tal awareness, NaturDive et la Fondation de France.

Et le littoral ne concerne pas que les plages...

Tout le monde doit s’engager à son niveau. Je travaille aussi sur une étude, qui est déjà développée ailleurs dans le monde, pour rendre les aménagemen­ts côtiers plus favorables à la biodiversi­té. En Australie, notamment, ils construise­nt des structures plus complexes permettant à la faune et la flore de s’y installer.

Quel serait le message que vous souhaiteri­ez faire passer ?

Il faut changer la façon de penser de beaucoup de gens. Chaque activité a un impact fort sur les écosystème­s. Par exemple, on ne peut pas continuer à utiliser les bateaux, l’été, sans réfléchir aux fonds marins. Il faut faire de l’éducation et accepter de prendre des mesures radicales pour espérer un avenir durable.

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(Photos Ph. A. M. R. et DR) La posidonie est essentiell­e aux écosystème­s et à la protection du rivage.
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