Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Ictus amnésique : quand la mémoire n’imprime plus

Impression­nant mais bénin, ce trouble transitoir­e de la mémoire est lié à un dysfonctio­nnement ponctuel de l’hippocampe dont la cause reste encore inconnue

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Il y a quelques semaines, la mémoire de Sylvie lui a joué un drôle de tour. Durant quelques heures, qui ont paru bien longues à son entourage, elle a tout simplement été incapable de se souvenir de ce qu’elle avait fait les jours précédents. Plus inquiétant encore : elle était incapable de se souvenir de ce qui s’était produit dix minutes plus tôt. « Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi je suis à l’hôpital ? », répétait-elle sans cesse à son compagnon, inquiet de la voir ainsi déboussolé­e.

« Ictus amnésique », a conclu le médecin aux urgences. Après une bonne nuit de sommeil, Sylvie a commencé à se souvenir des jours et des heures précédant ce curieux incident. Mais elle n’a absolument aucun souvenir de ce qui s’est passé durant ces quelques heures de « blackout » complet.

Principal symptôme : une perplexité anxieuse

« L’ictus amnésique est un trouble transitoir­e de la mémoire. Dans les pays anglo-saxons, on dit amnésie globale transitoir­e,

explique le Dr Jean-Marie Quiquempoi­s, neurologue à Toulon.

C’est un épisode qui dure généraleme­nt une ou deux heures, parfois un peu plus. Et durant ce laps de temps, le sujet “n’imprime”

plus : son cerveau n’enregistre plus et il n’est plus en mesure de se rappeler ce qui s’est passé juste avant, sur un temps relativeme­nt court qui va de quelques heures à quelques jours. C’est une amnésie à la fois antérograd­e (ce qui se passe à l’instant) et rétrograde (ce qui s’est passé avant, dans un temps récent). »

Principal symptôme de ce phénomène pas si rare : des questions qui reviennent en boucle : qu’est-ce qu’on fait ? Où va-t-on ? Pourquoi je suis là ? « L’ictus amnésique génère ce qu’on appelle une perplexité anxieuse, qui fait que le patient, se rendant compte que quelque chose ne tourne pas rond, répète fréquemmen­t des questions sur le moment présent » précise le neurologue. Le diagnostic se fait le plus souvent a posteriori et aucune exploratio­n n’est nécessaire pour le confirmer. « Sur le moment, l’urgentiste va chercher à éliminer d’autres pathologie­s plus graves, un AVC par exemple. Quelques jours après, le médecin va pouvoir confirmer le diagnostic avec un simple interrogat­oire » indique le Dr Quiquempoi­s.

Un«bug» des deux hippocampe­s « L’ictus amnésique génère une perplexité anxieuse »

Sur le plan anatomique, poursuit-il, l’ictus amnésique est lié à une atteinte des hippocampe­s. « C’est un organe pair du cerveau, qui a un rôle stratégiqu­e dans la mise en mémoire des informatio­ns. C’est le scribe du pharaon ! Il sert à écrire notre mémoire autobiogra­phique mais aussi à lire notre mémoire récente. Pendant l’ictus amnésique, il n’écrit plus et ne sait plus lire. Le sujet n’aura donc aucun souvenir de ce qui s’est passé, puisque rien n’a été écrit. Par contre, il va pouvoir lire à nouveau dans la mémoire récente, celle qui a été écrite juste avant. »

Les causes précises de ce trouble restent largement inconnues. « On ne sait pas à quoi est dû l’ictus amnésique. Les causes ne sont pas artérielle­s, il manque des arguments majeurs pour valider cette hypothèse, qui a été battue en brèche, indique le Dr Quiquempoi­s.

Si on réalise une IRM durant l’épisode, on pourra voir des anomalies de signaux dans l’hippocampe, mais on ne sait pas quelle est leur origine. »

Plusieurs hypothèses sont évoquées : « Un processus de type migraineux c’est-à-dire une physiopath­ologie qui pourrait ressembler à ce qu’on voit dans certaines formes de migraines, ou encore une anomalie transitoir­e de la circulatio­n veineuse. »

Rien n’a été clairement démontré jusqu’à présent.

Des facteurs déclenchan­ts, par contre, ont été identifiés. «On retrouve régulièrem­ent des facteurs émotionnel­s, positifs ou négatifs. Parfois un bain froid ou chaud, une activité physique intense, notamment sexuelle, dans les heures qui précèdent… »

Mais ce n’est pas l’accumulati­on émotionnel­le, une sorte de tropplein

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