Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Ça navigue intelligem­ment »

Marin d’exception, au palmarès long comme le bras, Loïck Peyron, qui fut trois fois au départ du Vendée, livre ses impression­s sur la course et ses à-côtés. Forcément instructif...

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE HERBET

Le « Zizou de la voile » ; mais, plus encore, un éternel et insatiable dompteur d’océans… S’il s’en défend, avec cette humilité qui sied à tout marin, il est déjà devenu, bien malgré lui, une véritable légende vivante ! Quelle que soit sa monture, Loïck Peyron, en course, a en effet (quasi) tout gagné. Après avoir fait de ces horizons souvent hostiles son terrain de jeu préféré… Route du Rhum, en 2014 (sur son maxi Banque Populaire VII, record de la traversée à la clé), Barcelona World Race, Transat anglaise (3 succès), Route du café (dont l’édition 2005, remportée avec le Niçois Jean-Pierre Dick), il ne manque finalement que le Vendée Globe à son palmarès. Un Everest qu’il a pourtant défié à trois reprises… À 61 ans bientôt (il les fêtera le 1er décembre), l’ancien Figariste reste une référence dans le milieu. Et un homme dont le discours porte au-delà des alizés. Forcément intéressan­t, du coup, de lui poser deux ou trois questions…

Vous étiez au départ du premier Vendée Globe. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Dès le moment où Philippe Jeantot a annoncé vouloir organiser ce tour du monde sans escale et sans assistance, c’était devenu une évidence, pour moi, que d’être au départ. Je n’avais encore jamais passé le cap Horn, ni navigué dans les mers du Sud, mais je voulais absolument faire partie de cette aventure. Je ne savais encore ni comment, ni sur quel bateau, mais il fallait que j’y sois… Et on s’est retrouvé à treize aux Sables-d’Olonne, avec ce sentiment que nous étions tous, quelque part, des défricheur­s…

Cette année-là, vous terminez deuxième, après avoir porté secours à Philippe Poupon…

Ça fait désormais partie des belles histoires qui façonnent la légende de cette course.

En mer, la réalité dépasse souvent la fiction, mais la solidarité entre marins prime sur tout. À l’époque, on n’avait pas les mêmes moyens de communicat­ion, mais j’avais pu filmer le sauvetage et ensuite balancer à l’eau, au large du cap Horn, les cassettes. Ce sont mes frangins qui les ont récupérées et les images sont arrivées avant qu’on ne finisse la course. Je dis souvent que s’éloigner de tout rapproche de l’essentiel, mais là, en l’occurrence, il s’est créé une forme de communicat­ion avec l’imaginatio­n terrienne.

Retourner sur le Vendée Globe ne vous a pas titillé l’esprit ?

Quand on regarde les images, ça donne toujours envie. Mais si faire du bateau n’a rien de compliqué, le faire bien et rapidement, c’est autre chose. Faire le Vendée, c’est un engagement réservé à une élite. J’ai eu la chance d’en faire partie, mais aujourd’hui, continuer et espérer gagner, me semble impossible. Je n’ai plus ni la force physique, ni les ressources morales pour ça.

Quand on voit le début de course incroyable de Jean

Le Cam, ça ne vous donne pas envie plus que ça, malgré tout ? C’est toujours tentant. Mais toute la problémati­que, quand on se lance dans une aventure comme celle-là, qui demande des années de préparatio­n, c’est que ça exige aussi un engagement incroyable. Je l’ai vécu quelques dizaines d’années, mais aujourd’hui, j’ai choisi de calmer le jeu. Il n’y a pas si longtemps, j’ai eu quand même cette envie de franchir le Rubicon et de passer de la compétitio­n au côté exclusivem­ent aventure…

Avec l’arrivée de ces nouvelle génération, ne pensezvous pas que la course soit un peu dénaturée ? Certaineme­nt pas ! Ça rend la course d’autant plus difficile. Il faut savoir qu’aujourd’hui, il y a moins de personnes ayant fait le tour du monde en solitaire que de gens ayant été dans l’espace. Ce métier est de plus en plus compliqué, de plus en plus prenant. Ce sont des gens rares, dans leur champ de compétence­s. Mais la complexité des bateaux ne dénature en rien ce qui fait l’esprit de ce sport. Bien au contraire. Le Vendée est un révélateur de personnali­tés et de talents…

foilers

Votre analyse, après deux semaines de course ?

La flotte a rencontré des conditions loin d’être évidentes. Mais qu’ils soient expériment­és ou pas, je trouve qu’actuelleme­nt, ça navigue très intelligem­ment…

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(Photo AFP) Loïck Peyron, une légende toujours dans le vent.

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