Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Patria bas les basques

Le best-seller de Fernando Aramburu adapté par HBO et consacré à l’ETA s’invite ce soir sur Canal +. Une série intense sur les conséquenc­es d’un conflit armé à travers le prisme de deux familles basques.

- MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr

Lors Festival internatio­nal du film de Saint-Sébastien, en septembre dernier, la projection en avant-première de Patria avait reçu un accueil très enthousias­te sur une thématique pourtant extrêmemen­t sensible en terre basque : l’ETA.

ETA pour Euskadi Ta Askatasuna (« Pays basque et liberté » en basque), ancienne organisati­on basque indépendan­tiste d’inspiratio­n marxiste-léniniste qui a, pendant près de quarante ans, fait de l’indépendan­ce du Pays basque son leitmotiv et sa doctrine. 2011, l’ETA annonce pourtant qu’elle dépose les armes après de nombreuses années de menaces, d’assassinat­s et d’attentats. Comment tourner la page d’une telle période qui a causé près de 850 morts à travers une lutte armée sanglante ? C’est le point de départ de la nouvelle série qui arrive sur Canal +, ce soir.

Patria raconte le conflit indépendan­tiste de façon intime via le prisme de deux familles rongées par la haine et le remords mais aussi via la difficile réconcilia­tion. Une série dont le fil rouge pourrait se résumer en une question existentie­lle. Et maintenant, on fait quoi ? On fait comment pour se reconstrui­re, pour cohabiter, pour oublier, pour pardonner, pour avancer.

Au départ, il y a l’oeuvre de Fernando Aramburu, Patria, véritable succès en Espagne (600 000 exemplaire­s vendus), qui retrace près de quatre décennies – des années de plomb du postfranqu­isme jusqu’en 2011 – du Pays basque. C’est le chaos organisé. Une fresque politique et humaine qui raconte le traumatism­e d’une lutte fratricide au coeur de l’Europe.

Quand les amis d’hier se retrouvent être les ennemis d’aujourd’hui.

La série débute avec le personnage de Bitorri, cette dernière se rend au cimetière où repose son mari Txato, assassiné par l’ETA. Son voeu le plus cher : retourner

‘‘ J’ai toujours voulu écrire quelque chose en lien avec mon enfance”

dans son village pour découvrir enfin la vérité. Peut-elle pardonner et vivre à côté de ceux qui l’ont traqué ? Pourra-t-elle découvrir l’identité de celui qui a tué son mari ? Là, elle se heurte à Miren, son amie d’enfance qui, elle, est de l’autre côté du bâton car son fils, Joxe Mari, est un terroriste emprisonné et torturé depuis de nombreuses années. Est-ce le tueur de Txato ? Les deux familles peuvent-elles se pardonner ? Patria n’est pas une série sur l’histoire de l’ETA mais elle a le mérite de surtout briser un tabou, à savoir ce silence pesant qui a toujours entouré les événements tragiques. On place plutôt le curseur sur les conséquenc­es de cette période. Présent lors de Canne-Series en octobre, le créateur Aitor Gabilondo y a mis toute son âme : « Je suis Basque, j’ai toujours voulu écrire quelque chose en lien avec mon enfance et ma jeunesse au Pays basque. Je voulais aussi que ce soit lié à la violence que nous avons vécue durant ces années. J’ai réussi à obtenir les droits de

Patria car c’est exactement ce que je voulais raconter.

Ce n’est pas une série sur l’ETA mais sur les blessures laissées par l’ETA à travers le parcours de deux familles. »

Ce face-à-face bouleversa­nt entre deux mères, autrefois voisines et amies, est tout un symbole. Le point de non-retour est-il déjà atteint pour elles ?

La série se sert des deux matriarche­s, abîmées par la lutte, pour dresser un portrait de l’après chaos.

Difficile de faire plus authentiqu­e que Patria puisque tous les acteurs sont basques, mais pour des raisons commercial­es évidentes il semblait difficile de ne parler que basque. Après plusieurs discussion­s, la production décide alors de tourner en espagnol avec quelques mots de basque.

Un entre-deux qui permet de donner à la série un écho internatio­nal. Car derrière Patria se cache un monstre sacré de l’univers des séries : HBO. La franchise américaine a produit la saison pour l’Europe. Tout le savoir-faire HBO transpire dans Patria.

Cela confirme aussi la volonté de Canal + de proposer à ses abonnés des séries étrangères de qualité. En 2020, la chaîne cryptée a plutôt gâté son auditoire avec L’Aliéniste, The Head, Zero, Zero, Zero, Our Boys, The loudest voice, City on a Hill, The Comey Rule ou encore This Way up.

Et 2021 ne devrait pas freiner la cadence puisque You honor, Shadowplay, A teacher et Deutschlan­d 89 sont annoncés.

En attendant, Patria se déguste comme une sucrerie. D’autant plus que le sujet demeure relativeme­nt méconnu en France malgré la proximité géographiq­ue du Pays basque. Une série d’utilité publique au final. Ce qui rajoute une ligne aux nombreuses qualités initiales du projet espagnol.

Une série produite par HBO avec tout le savoirfair­e de la franchise

Patria. Ce soir à partir 21 h, sur Canal + (deux épisodes par soirée).

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