Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Nice : un escroc « dieu du crédit» au tribunal

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

« Son site Facebook mettait en confiance. Il semblait profession­nel. Les commentair­es étaient très élogieux. On a su après qu’il avait payé pour les avoir. »

Pierre est l’une des innombrabl­es victimes de Sébastien Ellena, un Grassois de 48 ans qui rase les murs dans la salle des pas perdus du tribunal de Nice. L’individu, qui se présente désormais comme vendeur de meubles, a fait perdre à Pierre 3 500 euros. « Mon conseiller bancaire était en vacances, je voulais d’urgence un prêt pour des travaux », raconte l’infortunée victime. Pour sa défense, l’escroc multicarte­s, appelé à la barre du tribunal, invoque « une addiction à l’argent ». Sébastien Ellena se présentait surtout à comme le « dieu du crédit » auprès de personnes en difficulté à la fois sociale et financière, la plupart fichés à la Banque de France. À charge pour elles, si elles voulaient un prêt, de verser quelques milliers d’euros de garantie à cet homme providenti­el, en réalité faux courtier en opération de banque.

Des voitures jamais livrées

Les avances seront encaissées mais les personnes flouées ne verront jamais l’argent promis. Certaines sont venues témoigner de leur désarroi. « C’est surtout un dieu du mensonge, de l’escroqueri­e », ironise Me Boufflers. «Oùsont passés les 700 000 euros détournés ? »

Le prévenu soupire bruyamment. Hier matin, l’aigrefin a admis la quasi-totalité de ses turpitudes sans pour autant donner d’explicatio­ns. « Je suis désolé. Je regrette. J’y pense tous les jours » , bafouille-t-il devant le président Alain Chemama qui détaille l’ensemble des malversati­ons.

Sébastien Ellena, expulsé de Tunisie pour des chèques sans provision, promettait par exemple des voitures de luxe jamais livrées. D’après le calcul des enquêteurs, environ 120 000 euros d’acompte ont été indûment perçus par des clients attirés par la bonne affaire. Sa société est finalement partie en liquidatio­n avec un passif de 250 000 euros ! Autre infraction et non des moindres : l’escroqueri­e d’une mutuelle. En scannant de faux remboursem­ents de la Sécurité sociale, l’individu s’est fait rembourser « 4230 actes en 186 jours », rappelle le président Chemama. La mutuelle a récupéré in extremis 150 000 euros saisis sur les innombrabl­es comptes en banque de l’escroc. Le reste s’est volatilisé. Sébastien Ellena a également perçu le RSA pendant deux ans, escroquant le Départemen­t des Alpes-Maritimes alors qu’il disposait de 300 000 euros sur ses comptes. L’Assurance maladie n’est pas en reste. En falsifiant un relevé d’identité bancaire d’une personne vulnérable, le prévenu a empoché pendant un an une pension d’invalidité et vidé le livret de Caisse d’Épargne de sa victime. « Je suis désolé, je vais rembourser », affirme-t-il sans convaincre ni les victimes ni le parquet. « Non seulement il abusait de personnes en situation de faiblesse mais il se montrait de plus en plus menaçant », s’indigne Me Marafico.

« Il est très important que les victimes aient été entendues par le tribunal. Peut-être ce procès permettra à d’autres de se manifester », enchaîne Me Gilly, très remonté contre le prévenu : « C’est un délinquant d’habitude avec un nombre effarant de procédures depuis 2013 entre Grasse et Nice. La gendarmeri­e a même un temps envisagé de créer une cellule nationale d’enquête [...]. C’est un touche-à-tout de l’escroqueri­e que rien n’arrête. »

 ans de prison ferme

En conclusion d’un réquisitoi­re musclé, la procureure Meggie Choutia demande cinq ans de prison dont quatre ferme et 100 000 euros d’amende. « M. Ellena parle de sa douleur, du harcèlemen­t qu’il subit, c’est indécent alors que le 3 novembre 2019, il est dans un hôtel cinq étoiles. » L’individu, qui comparaît libre malgré ses précédente­s condamnati­ons, n’a jamais versé les 60 000 euros de caution que la justice exigeait après sa garde à vue en juin. Les avertissem­ents ont été nombreux. Cette fois, la sanction tombe peu après laeplaidoi­rie en défense de M Gatto : cinq ans de prison dont trois ferme avec arrestatio­n immédiate.

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(Photo doc V.M.) Le Grassois de  ans a été condamné hier matin par le tribunal correction­nel de Nice.

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