Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Armes et pédopornog­raphie : un inquiétant collection­neur à Nice

- Chperrin@nicematin.fr CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Ses achats de pièces d’armement sur Internet l’ont trahi. Des douaniers ont vite compris que Fabien, 32 ans, cherchait à remettre en service une arme démilitari­sée. C’est avec des policiers d’élite qu’ils ont débarqué dans le modeste appartemen­t du suspect, avenue Henry-Dunant à Nice, où, dans son armoire, il possédait un véritable arsenal. Outre sa passion irrépressi­ble pour les armes de poing et les fusils à canon scié, l’individu collection­nait les fichiers pédopornog­raphiques. Il a déjà été condamné en 2016 pour cette déviance à du sursis et une mise à l’épreuve. Le suivi psychologi­que et psychiatri­que auquel il était soumis n’a visiblemen­t pas porté ses fruits.

« Pourquoi autant d’armes et surtout de munitions ? », questionne Marion Menot, la présidente du tribunal correction­nel de Nice.

Réformé et brisé

Cheveux noirs gominés, teint pâle, Fabien hésite, mal à l’aise : « À la base, les armes c’est une passion. Je souffre d’une phobie sociale. Ça me donne un sentiment de sécurité. C’est comme une béquille psychologi­que. »

Malgré ses revenus modestes de technicien en maintenanc­e, il admet en avoir acheté de manière compulsive : « Même un gilet pareballes ». Une frénésie que l’on retrouve dans son addiction à la pornograph­ie, excité par des jeunes filles de plus en plus jeunes. A-t-on dans le box un tueur de masse en puissance, un prédateur sexuel ? Pas si simple au regard des expertises psychologi­ques et psychiatri­ques qui relativise­nt la dangerosit­é de cet ancien militaire, engagé pendant quatre ans dans l’infanterie, sanctionné pour avoir détourné des munitions puis réformé.

À son retour dans la vie civile, il a sombré dans l’alcool et la drogue pour tenter de fuir son mal-être. Le constat est sans appel : Fabien a peur des femmes. « Ma mère était folle et violente. Je n’ai pas eu une enfance super… », précise-t-il. Un euphémisme au regard des violences commises par une marâtre internée à plusieurs reprises.

Une sanction en forme de pari

Il décrit son addiction à la pédopornog­raphie « comme un cancer qui se développe ».

Il affirme que dix-huit mois de détention provisoire l’ont « désintoxiq­ué ».

Fabien apparaît surtout comme un anxiodépre­ssif à l’extrême fragilité psychique dont la fascinatio­n morbide pour les armes nécessite un sérieux suivi sociojudic­iaire. C’est le sens des réquisitio­ns du procureur Léopold Mendes qui requiert dix ans de suivi et trois ans d’emprisonne­ment. Les douanes réclament pour leur part 60 000 d’amende. En défense, Me Julien Darras ne peut que saluer l’instructio­n de ce dossier par une présidente très à l’écoute. Il l’avoue humblement : « Dans le premier dossier, on croyait en Fabien. On s’est battu pour qu’il reste en liberté. On s’est loupé. »

L’avocat en est persuadé : dans le cas de son client, la détention provisoire a été salutaire. Il peut également s’appuyer sur un psychiatre. Fabien n’aurait pas le profil du pervers dangereux capable de passer à l’acte. Cet homme intelligen­t, très bon technicien, a les moyens de se réinsérer.

« Ça ne dépend que de lui », plaide Me Darras qui a convaincu le tribunal que la prison dans un premier temps salvatrice, pouvait devenir destructri­ce.

La sanction est mesurée : trois ans de prison, 5000 d’amende, une inscriptio­n au fichier des délinquant­s sexuels, un suivi judiciaire de dix ans. La justice ose un pari sur l’avenir de Fabien, enfant brisé devenu adulte inadapté, homme à la personnali­té énigmatiqu­e et inquiétant­e.

 ?? (Photo d’illustrati­on DR) ?? Policiers et douaniers avaient employé les grands moyens pour interpelle­r le suspect.
(Photo d’illustrati­on DR) Policiers et douaniers avaient employé les grands moyens pour interpelle­r le suspect.

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