« La maladie n’est pas juste dans nos corps, elle est aussi dans nos têtes » « C'est plus facile d’en parler aujourd’hui… »
Déborah est née garçon, et elle a « toujours su »
qu’elle n’était pas comme les autres. Contaminée par son premier amour, elle vit depuis ans avec le VIH et elle raconte dans Vies et VIH qu’elle est aujourd’hui « une femme dans [sa] tête », travesti assumé qui a trouvé son équilibre et n’envisage pas de se faire opérer, pas plus qu’elle n’envisage de refaire sa vie. « Il faudrait tout raconter, pourquoi je prends un traitement, pourquoi il faut se protéger et risquer les rejets » a-telle confié à Alain Lafeuillade et Nicole Fau. Elle a accepté de se livrer parce que « c’était un soulagement de pouvoir parler d’une longue maladie avec laquelle il faut vivre au jour le jour ».
Elle a aussi lu le livre de bout en bout, pour découvrir ces autres témoignages « tantôt dramatiques, tantôt plein d’espoir » qui pourront, espère-t-elle, « faire évoluer les mentalités ».
Une grande souffrance
« Quand je vois que des mômes de ans se retrouvent encore à la rue parce qu’ils sont positifs au VIH et que leurs parents les mettent dehors ! »
Même si aujourd’hui on ne parle plus autant du Sida, même si des traitements existent, Déborah refuse de voir la maladie et l’épidémie banalisées.
« Ce n’est pas terminé, c’est loin d’être terminé. Certains pensent aujourd’hui que c’est anodin, qu’avec les trithérapies on prend juste un cachet et puis c’est tout. C’est faux. La maladie n’est pas juste dans nos corps, elle est aussi dans nos têtes. Même si le traitement rend la charge virale indétectable, on est malade et on le sait. »
Le dire lui fait «unbien fou».
« J’ai tellement souffert quand je me suis retrouvée avec ça, à ans. Il m’a fallu sept ans pour oser faire ma vie, sept ans sans sexualité. J’étais tellement traumatisée. Aujourd’hui je le vis bien, même si j’ai des coups de mou parfois. C’est pour ça que les autres témoignages m’ont fait du bien. On relativise un peu ! »
Déborah fait carrière dans le monde du cabaret. Elle n’a jamais caché sa maladie à ses collègues. Elle ne cache pas non plus qu’elle en a bavé. «Jesuis resté asymptomatique pendant ans. Puis mes anticorps ont commencé à baisser et le Dr Lafeuillade m’a prescrit mon premier traitement. Au départ j’ai été malade comme une chienne, j’avais des diarrhées, des nausées, des maux de ventres terribles. Et puis il a trouvé le bon médicament. »
Un virus à ne pas prendre à la légère
Aujourd’hui, Déborah va bien et entend se battre pour que personne ne prenne le VIH à la légère, comme « tous ceux qui pensent qu’ils peuvent baiser sans précaution parce qu’ils ont pris un médicament, un peu comme la pilule du lendemain ! » (NDLR : elle fait référence à la PrEP, la prophylaxie préexposition). « Mais c’est faux, s’emporte-t-elle. Ily a toutes les autres infections sexuellement transmissibles qui peuvent déclencher des choses catastrophiques ! Ce n’est pas parce qu’on prend un médoc avant de faire n’importe quoi avec n’importe qui que tout va bien se passer ! Il faut que tous ces jeunes en prennent conscience. C’est d’abord pour eux que je témoigne ! » « Cela fait ans que je vis avec la maladie. Témoigner, comme le Docteur Lafeuillade me l’a proposé déjà deux fois, ça peut être une aide pour d’autres séropositifs » explique Élise. Parce qu’elle l’affirme avec certitude : « Même si aujourd’hui il y a des traitements, même si on soigne bien les gens, on ne vit pas bien avec le VIH. Ce n’est pas vrai. C’est une légende ! »
Certains patients peuvent en effet se « contenter », comme elle le dit, d’une trithérapie avec un seul comprimé par jour. Mais ce n’est pas le cas de tous.
« Moi j’ai un tas de comprimés à prendre au fil de la journée, le matin, le midi, le soir,
détaille Élise. À cause des autres maladies qui se sont ajoutées. »
Élise a en effet multiplié les complications : une hépatite B s’est ajoutée au VIH, déclenchant une cirrhose. Elle souffre aussi d’un diabète non insulino dépendant et elle a fait plusieurs infarctus… Elle souffre aussi de lipodystrophie : un déplacement irréversible des graisses du corps, effet secondaire de son traitement, qui marque fortement son physique.
« La première fois que j’ai pris la trithérapie – à l’époque il y avait plein de cachets – je me suis mise à vomir, je n’arrêtais plus, se souvient cette Varoise.
Quand vous avalez ça pendant ans, ça laisse des traces. Bien sûr il y a un mieux avec les traitements. Mais on ne guérit pas. On est juste en sursis. »
Il n’y a pas que les traitements : « Cette maladie, c’est plein de contraintes. J’ai renoncé aux voyages. Trop compliqué, trop fatigant. De toute façon il y a encore des pays comme la Russie où les séropositifs n’ont pas le droit d’entrer ! »
Élise évoque aussi
« le regard des autres ». « C’est plus facile de parler de sa séropositivité aujourd’hui, confie-telle. Mais pas avec tout le monde ! On le sent tout de suite dans le regard… Et moi je peux difficilement le cacher : j’ai vraiment le physique de la séropo, avec les joues creusées, le petit bidon… Mais c’est quand même mieux qu’avant. Même avec ma famille ça a été compliqué. Avant c’était tabou ! »
Faites-vous dépister
L’ARS et le comité de coordination de la lutte contre les IST et le VIH (COREVIH) Paca appellent à ne pas retarder les dépistages du VIH, des IST et des hépatites vitales durant la crise sanitaire. Une baisse très nette du nombre tests a en effet été enregistrée depuis le premier confinement. Le dépistage est pourtant indispensable pour rompre la chaîne de transmission des contaminations et pour accéder rapidement au traitement adapté. Par ailleurs, le collectif contre le Sida des A.-M. organise un rassemblement commémoratif en souvenir de toutes les personnes disparues à cause du sida, mardi er décembre à h, place du Pin à Nice.