Automne : Nice crée sa taxe de séjour
Il y a cent ans, sur fond de conflits sociaux, la capitale de la Côte d’Azur cherche dans le tourisme de nouvelles ressources financières.
Àl’automne 1920, il y a un siècle, la situation n’était pas brillante. La France commençait à peine à se remettre des conséquences de la Grande Guerre.
La vie était chère. Le gouvernement avait dû réprimer, à Paris, en juin 1919, des soulèvements des ouvriers de la métallurgie et, en mai 1920, des grèves des cheminots et mineurs. Dans notre région, c’était les secteurs des transports et du gaz qui s’étaient mis en grève. La situation était chaotique. Et pourtant, il ne faut pas baisser les bras ! Les élus essaient d’endiguer la hausse des prix.
Billets de centimes
Il n’y a plus de pièces de monnaie pour payer les petites sommes. La pénurie a commencé en 1915, lorsque les métaux ont été consacrés à la fabrication des armes. Il n’y en a plus eu assez pour fabriquer les pièces. Pour économiser le métal, on a inventé les pièces trouées. Mais ce ne fut pas suffisant. Alors, les chambres de commerce de notre région et la Principauté de Monaco ont émis des billets pour payer les petites sommes : des billets de 25 ou 50 centimes !
Sur les billets des Alpes-Maritimes sont représentés des Niçois en costumes, sur les billets du Var le port de Toulon, sur les billets de Monaco le palais princier. Ainsi fonctionne le tout petit commerce.
La maîtrise des prix, si elle apaise les consommateurs, fâche les producteurs.
En octobre 1920, la décision du maire de Nice, Honoré Sauvan, de maintenir le prix du pain à 1,30 franc déclencha une grève des boulangers. La population perdit patience, menaça de se soulever. Dans une lettre adressée aux Niçois le 21 octobre 1920, le maire annonça qu’il ferait venir le pain de Marseille et de Toulon par l’armée et la marine. Il déclara : « La population niçoise, avec son clair bon sens, jugera l’attitude des boulangers qui ont vainement cherché à entraîner avec eux leurs collègues des autres villes du département et qui, même à Nice, n’ont pas réussi à grouper autour d’eux la totalité des leurs, dans une grève injustifiée. » Devant une situation économique aussi difficile, le salut viendra peut-être d’un secteur qui repart : le tourisme.
Les palaces ont rouvert après la guerre, organisent leurs thés dansants sur leurs terrasses de la Promenade des Anglais ou de l’avenue de la Victoire (aujourd’hui avenue Jean-Médecin). Les théâtres, l’Opéra, le Casino municipal de la place Masséna, le Casino de la Jetée Promenade proposent à nouveau des spectacles. On a besoin de bonne humeur. L’opérette fait florès. Albert Willemetz est un des paroliers favoris des spectacles de la Jetée Promenade : « N’essayez pas de noyer vos chagrins, ils savent nager ! », prévient-il.
Hello, les touristes américains arrivent ! Ils ont entendu parler de la Côte d’Azur par les soldats qui y sont venus pendant la guerre. Ils ont de l’argent, taxons-les !
Le 13 novembre 1920, le maire Honoré Sauvan convoque une séance extraordinaire du Conseil municipal : Nice va créer sa « taxe de séjour » ! La municipalité va mettre en application une loi française qui est sortie le 24 septembre 1919, et qui est destinée à financer les équipements généraux liés au tourisme.
Elle concerne les villes dites « stations climatiques ». Or Nice a obtenu ce label le 7 novembre 1918. Elle peut donc créer sa taxe de séjour.
‘‘ Les touristes américains arrivent, ils ont de l’argent, taxons-les !”
Désinfection des vallons insalubres
Lors de la séance du conseil municipal, on débat sur l’aspect inhospitalier d’une taxe destinée à des gens dont on souhaite la venue. On s’invective sur l’utilisation de ces ressources nouvelles. Certains la destinent, logiquement, à l’amélioration des sites touristiques, d’autres veulent en faire profiter la gestion de la ville.
On se met finalement d’accord sur la désinfection des vallons Bornala, Mantéga, Saint-Barthélemy, Madeleine et Paillon, sur l’aménagement des jardins, sur une subvention à l’Hôpital Saint-Roch, sur l’attribution d’une allocation aux « indigents » et aux « vieillards incurables privés de ressources », et sur une « aide de secours aux femmes en couches qui seraient dans le besoin ».
Un siècle après, les besoins ne sont plus les mêmes, mais la taxe demeure.