Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Courdouan : le charme du Mourillon au XIXe siècle

Conservé au Musée de Draguignan, voici un tableau du peintre de Toulon considéré comme l’un des grands paysagiste­s de son temps.

- ANDRÉ PEYRÈGNE nous@nicematin.fr

Qu’il était doux, le Mourillon d’antan ! On se croirait dans un jardin d’Eden, aux portes de Toulon. Voyez ce chemin fleuri, ces rochers doucement escarpés, ces pins qui s’inclinent en cascade, cette mer calme, cette lumière au soleil tamisé ! Ce Mourillon est celui qu’a représenté en 1871 le peintre toulonnais Vincent Courdouan dans un tableau conservé au Musée de Draguignan. Ce n’est pas le Mourillon des espaces militaires où se dresse la Tour Royale, où s’impose le Fort Lamalgue (qui fut la prison d’Abd El Kader), où s’étend l’arsenal de Toulon.

Ce n’est pas, non plus, le Mourillon mondain où, au XIXe siècle, on aménagea une corniche, on créa des jardins, on fit rouler le tramway, où naquit le père de Colette et où vinrent séjourner Flaubert ou Michelet.

C’est encore moins le Mourillon vacancier où, au pied des rochers, on a créé des plages artificiel­les pour les touristes d’aujourd’hui.

Un Mourillon de rêve

Non, c’est un Mourillon de rêve. Un Mourillon qui a existé. Courdouan l’a vu et peint ainsi. « Tout, dans ce tableau, donne une image de sérénité, d’un endroit où il fait bon vivre, commente Grégoire Hallé, conservate­ur du Musée de Draguignan. La douceur des couleurs, le paysage lui-même, les personnage­s qui sont sous le pin parasol et font sans doute un pique-nique ! »

Courdouan a-t-il reproduit ce qu’il a vu ? Ce n’est pas sûr. Il a rassemblé des éléments de paysage puis les a disposés sur la toile, dans son atelier, afin de créer une compositio­n équilibrée.

On est encore à une époque où l’on « compose » sa toile, contrairem­ent aux impression­nistes qui représente­ront dans l’instant les émotions visuelles éprouvées devant leur chevalet. Le tableau respecte les canons de la peinture paysagère du XVIIIe siècle.

« Tout est équilibré, poursuit Grégoire Hallé. Les deux masses boisées se répondent, les deux entités terre-ciel. Tout tourne autour d’un centre qui se situe au niveau du voilier. Comme dans les compositio­ns classiques, il y a deux tiers de ciel, l’horizon se situe à un tiers de la hauteur. Ces notions “mathématiq­ues” d’équilibre contribuen­t à donner au regard une impression apaisante. »

Art de la perspectiv­e

On admire l’art du dessinateu­r. Courdouan s’était avant tout formé au dessin, chez son célèbre professeur toulonnais Letuaire, qui était dessinateu­r pour le grand journal parisien l’Illustrati­on (voir encadré).

L’art de la perspectiv­e est parfait – cet art qui rapetisse les dimensions à mesure que l’on s’éloigne mais qui adoucit aussi les couleurs. « On appelle cela la perspectiv­e atmosphéri­que, commente Grégoire Hallé. On remarque l’affirmatio­n colorée des premiers plans puis, peu à peu, l’atténuatio­n des couleurs pour aller jusqu’au flou dans le lointain. Au fond, les montagnes apparaisse­nt dans une vapeur bleutée. »

On aime cette nature qui s’offre à la détente et au rêve, qui propose au flâneur la poésie des paysages. Courdouan prétendait : « L’Art est le seul créateur du beau après Dieu ». Son pinceau est en harmonie avec sa pensée.

‘‘ Une image de sérénité, d’un endroit où il fait bon vivre”

 ??  ?? Vue du Mourillon par Vincent Courdouan. (). Peinture à l’huile xcm. Musée des Beaux-Arts de Draguignan.
Vue du Mourillon par Vincent Courdouan. (). Peinture à l’huile xcm. Musée des Beaux-Arts de Draguignan.
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