Le riche patrimoine des fonds marins corses
Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’île devenue base de l’armée américaine fut surnommée l’USS Corsica, île porte-avion. Ses fonds sous-marins en ont conservé de nombreux témoignages.
Outre les vestiges de surfaces et les lieux de mémoires, il existe le long du littoral corse entre 400 et 700 épaves sous-marines. Si certaines viennent de l’Antiquité, nombreuses sont celles qui datent de la Seconde Guerre mondiale. Notamment, celle d’un bombardier B26, reconnue par les plongeurs comme l’une des plus belles épaves de Méditerranée. En plus d’être pratiquement intacte, cette épave véhicule une belle histoire racontée en images dans le film documentaire du Niçois Kevin Sempe, réalisateur sousmarin et de son coréalisateur, Franck Guerin. Mais, avant d’aborder l’histoire du B26 de Lavasina, il est nécessaire de raconter le contexte historique qui a fait qu’il se trouve actuellement posé dans les fonds marins corses.
USS Corsica, l’île porte-avions
Sa position peu éloignée du littoral a permis à la Corse de jouer un rôle important lors de la campagne d’Italie et du débarquement de Provence. Ce qui lui valut le surnom imagé de « porte-avions insubmersible ». Ce n’est donc pas un hasard, si, après sa libération par la Résistance insulaire, les forces italiennes et l’Armée française le 4 octobre 1943, l’armée américaine a choisi ce site stratégique pour installer trois escadrons : les 64th, 65th et 66th Fighter Squadron baptisés The Black Scorpions (Scorpions noirs), les Fighting cocks (Coqs de combat) et les Exterminators (Exterminateurs) soit plus de 50 000 soldats nord-américains. Des escadrons d’aviation d’élite qui donneront à la Corse, le surnom d’USS Corsica, l’île porte-avions - United States Ships (USS) étant le préfixe donné aux navires de l’US Navy. Dès lors, bombardiers, chasseurs et avions de reconnaissance sont positionnés sur 17 terrains d’aviation militaire disséminés sur l’île, en particulier le long de la côte orientale dont l’actuel aéroport de Bastia Poretta.
Nombre de ces terrains ne seront que des installations temporaires avec des pistes en tôles Marston – tôles américaines perforées et clipsables et n’ont laissé que peu de traces. Les Américains chapeautent également les escadrilles françaises, Dauphiné, Navarre et surtout La Fayette.
Un bombardier miraculé
« Cette épave du B26 Marauder tombé en mer en 1944 et qui repose par 65 m de fond au large de Lavasina est très touchante », raconte Kevin Sempe.
Il avoue que parmi les six tournages de la série présentant des épaves du monde entier c’est, avec un paquebot au large du Canada, l’une de celles qui l’ont le plus marqué. « Après le tournage, je suis même revenu à titre personnel pour la revisiter. Intégral, sans gros dommages, on a presque l’impression que l’avion est prêt à décoller. » Et, c’est normal, car sa submersion s’est a priori faite en douceur.
On est le 12 juillet 1944, après le bombardement réussi d’une gare ferroviaire en Italie, douze B26 Marauder se dirigent vers la Sardaigne pour rejoindre leur base. Mais, après deux pannes simultanées de deux moteurs, l’un des appareils, le B6 F numéro 42-96 305, construit aux usines Glenn Martin, est obligé d’amerrir au large de Lavasina, petit village situé sur le littoral à 7 km au nord de Bastia. Les témoins voient alors le pilote, le lieutenant Krug, poser le bombardier en surfant sur une vague les deux moteurs coupés. Il a réussi à le faire amerrir à plat ce qui explique le bon état de la carlingue. Soixante-seize ans après son naufrage, Kevin peut témoigner que « les hélices ne sont pas tordues, les verrières du nez de l’avion, de la tourelle de mitrailleuses et l’habitacle sont toujours intacts et l’on peut encore trouver à l’intérieur des parachutes ou autres matériels. ».
Épave quasiment intacte, si l’on excepte quelques trous dans les dérives
Quant à l’équipage, sauf trois membres qui avaient péri en vol, il a été récupéré sain et sauf par les marins d’une vedette britannique qui cabotait dans la zone. Ce naufrage en douceur sans perte humaine est resté dans les mémoires comme un vrai miracle !
Produit par Élodie Polo Ackermann et Camille Plouin, le reportage très documenté entre passé et présent sera diffusé le 6 décembre prochain sur Planète +.