Cancer de la prostate : ne pas zapper le dépistage
Cette pathologie peut être traitée efficacement à condition d’être prise en charge assez tôt. Il est recommandé aux hommes après 50 ans de faire des contrôles réguliers
Depuis quelques années, on a pris l’habitude de voir ces messieurs arborer de fières bacchantes au mois de novembre. Cet élan pileux est le fruit d’une campagne d’information internationale, baptisée Movember et orchestrée par l’association éponyme oeuvrant pour la santé masculine, Movember Foundation Charity. L’objectif : se laisser pousser la moustache pour susciter la discussion et sensibiliser la population aux maladies masculines, cancer de la prostate en particulier. Cette pathologie de l’homme mûr – l’âge moyen au diagnostic est de 70 ans en France – est le deuxième cancer masculin. Or il est encore relativement mal connu ou alors souvent confondu avec l’adénome de la prostate, une affection bénigne (lire par ailleurs).
Le Dr Romain Haider, urologue au CHU de Nice et responsable de l’unité fonctionnelle d’urologie du CH Simone-Veil de Cannes, fait le point.
Quand doit-on envisager le dépistage ?
Contrairement à d’autres cancers (côlon et sein), il n’existe pas de dépistage organisé pour le cancer de la prostate. Cela va donc dépendre d’une discussion entre le patient et son médecin. Ce dernier va rechercher à l’interrogatoire d’éventuels facteurs de risques génétiques, des antécédents familiaux, etc.
Quels sont les facteurs de risques principaux ?
L’âge en priorité ; le cancer de la prostate est exceptionnel avant ans. D’où le fait que sauf cas particulier, on ne dépiste pas les hommes plus jeunes. Pour le reste, il s’agit d’un cancer d’origine multifactorielle. On sait que certaines origines ethniques sont plus à risques : caucasienne, africaine, nord-amérique ou antillaise par exemple. En revanche, les Asiatiques sont moins à risque. L’obésité peut aussi être un facteur aggravant, puisqu’il favorise l’inflammation.
Mais, il y a encore beaucoup de choses que l’on ignore.
Quels sont les symptômes les plus évocateurs ?
La difficulté réside justement dans le fait qu’il n’y en a pas. Le cancer de la prostate évolue à bas bruit. Si l’adénome se manifeste par des répercussions sur la fonction urinaire et érectile, c’est rarement le cas en présence d’une tumeur cancéreuse. Attention toutefois, les deux maladies peuvent coexister.
Le cancer de la prostate est de bon pronostic s’il est diagnostiqué tôt
Comment dépiste-t-on un cancer de la prostate ?
On fait systématiquement un dosage de PSA (antigène spécifique de la prostate) ainsi qu’un toucher rectal. Il est important de faire les deux parce qu’un dosage élevé du PSA ne signifie par forcément qu’il s’agisse d’une tumeur et à l’inverse en présence d’un cancer très agressif, le taux de PSA peut être bas à cause de la
Dr Romain Haider Urologue CH Cannes et CHU Nice
destruction d’une grande partie de la glande. De même, à la palpation il est possible de ne pas remarquer une anomalie. Les sociétés savantes recommandent une consultation annuelle avec un urologue ou un médecin traitant qui réalisera systématiquement un toucher rectal et un dosage du PSA. Lorsque l’on soupçonne un cancer, on fait réaliser une IRM de la prostate. L’échographie est réservée à l’adénome.
Quelle prise en charge pour les patients ?
D’abord, il faut souligner le fait que c’est un cancer de bon pronostic dans la majorité des cas, d’autant plus lorsqu’il est diagnostiqué tôt : le taux de survie à ans est de %, et rappelons que l’âge moyen au dépistage est de ans. Pour les cancers localisés, il y a deux traitements de référence : la chirurgie et la radiothérapie
(avec éventuellement une hormonothérapie). Le choix dépend de la taille de la tumeur, de l’âge du patient (on évite la chirurgie au-delà de ans)... et aussi des effets indésirables.
L’adénome de la prostate – ou hypertrophie bénigne de la prostate HBP – n’a rien à voir avec le cancer. C’est une tumeur bénigne très fréquente chez les plus de ans. Elle est liée au fait qu’avec l’âge, la glande peut se modifier : elle grossit et devient moins souple. Elle peut alors occasionner une gêne qui pousse à consulter. Le plus fréquemment, les patients se plaignent de devoir uriner plus souvent, d’avoir des envies soudaines (urgenturie) ou encore d’avoir du mal à évacuer l’urine (dysurie). C’est lié au fait que la vessie peut être comprimée par le volume de la prostate. L’adénome peut aussi avoir des répercussions sur la fonction érectile. Les traitements médicaux et chirurgicaux sont efficaces mais la surveillance reste de mise.
Plus précisément ?
On sait par exemple que ceux associés aux rayons durent plus longtemps et peuvent provoquer une inflammation chronique de la vessie. La chirurgie quant à elle peut engendrer une dysfonction érectile s’agissant d’une prostatectomie radicale (si on parvient à faire une chirurgie conservatrice et à garder les nerfs de l’érection alors il n’y aura pas de problème). Potentiellement, une opération peut engendrer des problèmes de continence urinaire. Cela reste plutôt rare.
J’insiste : plus tôt la maladie est diagnostiquée, meilleur est le pronostic. Les traitements seront aussi moins lourds et les effets indésirables ainsi minimisés.
Les urologues des A.-M. du service public regroupés au sein de l’Institut Méditerranéen de Soins et de Recherche en Urologie ont conçu un site d’information à destination des patients : www.imsru.fr