Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Chaque Vendée a son histoire »

Dernier vainqueur de « l’Everest » (record à la clé, après un peu plus de 74 jours passés en mer), Armel Le Cleac’h livre un regard forcément expert sur ces premières semaines de course

- PHILIPPE HERBET

En quelques secondes, à peine, il a vu les flots obscurs du destin déferler sur l’étrave de ses ambitions. Ce n’était pourtant, en cette nuit d’avril 2018, qu’un « simple » convoyage, jusqu’à Marseille (avant le départ de la Nice UItimed, Ndlr). Mais après une sournoise rafale de vent, tout n’était plus que chaos. Armel Le Cleac’h assistait alors, impuissant, au chavirage de son maxi-trimaran, Banque Populaire IX. Nouvelle fortune de mer, diront certains…

Mais le « Chacal » n’est pas homme à laisser les océans lui dicter son histoire. Alors, c’est à corps perdu qu’il s’est lancé dans un nouveau projet en classe Ultime (le bateau est actuelleme­nt en chantier, la mise à l’eau étant programmée l’an prochain).

Et c’est en véritable conquérant des mers qu’il a aussi signé, en septembre dernier, une troisième victoire sur la Solitaire du Figaro. Pas si courant, vous expliquero­nt ces marins d’exception qui en ont iodé le palmarès… Le dernier lauréat du Vendée Globe aime les défis, c’est une évidence. Le regard éclairé qu’il porte sur la course, du coup, n’en prend que plus de relief…

Quel souvenir gardez-vous de votre arrivée triomphale aux Sable d’Olonne, il y a presque quatre ans maintenant ?

C’était l’un des moments les plus forts de toute mon existence. Parce que c’était l’aboutissem­ent d’un projet qui s’est construit sur presque dix ans. J’avais déjà fait deux fois deuxième, alors cette victoire, après tant d’efforts, a eu un parfum vraiment tout particulie­r. Franchir la ligne d’arrivée, c’était une émotion incroyable, d’autant qu’on avait vécu une fin de course haletante, avec Alex Thomson.

Avez-vous redouté une forme de malédictio­n, après avoir terminé si près du but, à deux reprises ? On a pu, peut-être, me voir comme le Poulidor du Vendée Globe. Mais mes deux premiers podiums sont complèteme­nt différents. En , j’ai, entre guillemets, bénéficié des nombreux abandons, dont celui de “Bilou” (Roland Jourdain), qui perd sa quille, alors qu’il était loin devant moi avant d’arriver aux Açores. Sur l’édition suivante, le scénario n’était pas le même. On était à la bagarre avec François Gabart et la victoire ne s’est jouée qu’à trois petites heures seulement. Là, pour le coup, il y avait une énorme déception. Et de la frustratio­n aussi. Mais il m’a manqué ce petit « plus » pour être devant…

Si l’on se fie aux derniers temps de passage, le record que vous avez signé en  devrait encore tenir, malgré ces jolis bateaux volants qui ont pris le départ…

On verra… En tout cas, la flotte du Vendée Globe a été confrontée, au début, à une météo pas forcément facile. Et on a vu que même les meilleurs étaient en retard sur les temps de référence, dès le passage de l’Équateur. Mais la remontée de l’Atlantique peut encore réserver des surprises. Maintenant, pour les marins engagés sur cette course, le record est loin d’être une priorité. L’idée c’est, pour les uns, de franchir la ligne en premier, et pour les autres, de juste terminer. Tous ont aussi à l’esprit de préserver leur machine, d’éviter la casse…

On a vécu un début de course ébouriffan­t, avec notamment ce show de « papy » Le Cam, pourtant sur un « vieux » bateau, dit à dérive classique… Je pense que beaucoup ont été cueillis à froid par les conditions météo un peu musclées. Et, du coup, on a vu pointer aux avantposte­s des marins aguerris, qui avaient une bonne connaissan­ce de leur bateau, et étaient donc sûrement plus à l’aise pour choisir des trajectoir­es tendues. Voir Jean devant, en tout cas, c’était sympa. Et ça montre aussi que, malgré la haute technologi­e, l’expérience, l’intelligen­ce en mer, et l’envie d’être à l’attaque, restent essentiell­es dans notre sport. Maintenant, les bateaux nouvelle génération, dans des conditions plus propices, ont cette capacité d’accélérer très fort. En tout cas, à chaque Vendée Globe, se construit une histoire différente…

‘‘ Le record est loin d’être une priorité”

La victoire reste promise aux foilers, mais on l’a vu avec Jérémie Beyou ou Alex Thomson c’est quand même la mer, au final, qui décide…

Oui, bien sûr. Sur l’eau, on n’a pas toujours le dernier mot. Maintenant, et on le voit bien avec Charlie Dalin (Apivia), qui fait vraiment une belle course, ces nouveaux bateaux sont dessinés pour la gagne. Évidemment, ça demande beaucoup de temps pour les fiabiliser, ce qui n’a pas été évident avec le confinemen­t. Mais la logique veut, effectivem­ent, qu’ils soient devant…

(Charal) (Hugo Boss),

 ?? (Photo Jean-François Ottonello) ?? Marin d’exception, Le Cleac’h analyse ce début de Vendée.
(Photo Jean-François Ottonello) Marin d’exception, Le Cleac’h analyse ce début de Vendée.

Newspapers in French

Newspapers from France