Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Éric Ciotti : « Il faut développer une culture du risque »

Rapporteur de la commission d’enquête sur la gestion de la crise sanitaire, le député azuréen propose, dans ses conclusion­s, la création d’un ministère délégué à l’Anticipati­on des crises

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

La création d’un ministère délégué à l’Anticipati­on des crises, la suppressio­n des Agences régionales de santé (ARS) ou encore une médicalisa­tion renforcée des Ehpad…

Ce sont quelques-unes des propositio­ns de la commission d’enquête parlementa­ire sur la gestion sanitaire de l’épidémie de Covid-19.

Son rapporteur, le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti, en a présenté hier les conclusion­s, au terme de six mois de travail et 130 heures d’auditions. Précédé par sa réputation de cogneur, le député LR niçois s’est défendu de toute velléité de « tribunal populaire ou judiciaire », pour insister sur une approche visant surtout à tirer des enseigneme­nts pour l’avenir.

Ce rapport a été approuvé par tous les groupes politiques, à l’exception de la majorité présidenti­elle qui s’est abstenue, le jugeant malgré tout trop à charge.

Un pays désarmé

Le rapport pointe un certain nombre de dysfonctio­nnements, autour d’un défaut global d’anticipati­on. « Le pays n’était pas préparé à une crise majeure, constate Éric Ciotti. Le défaut d’anticipati­on s’est révélé dans le manque de masques et de protection­s individuel­les pour les soignants. Quand le virus est arrivé en Italie, on a considéré un peu vite, avec une certaine arrogance, qu’elle était touchée parce que son système sanitaire était moins solide que le nôtre. Au final, avec 53 000 morts, notre bilan est plus lourd que celui de l’Italie et nous place parmi les plus mauvais élèves d’Europe. »

Pour un million d’habitants, la France affiche une moyenne de 727 décès, alors qu’elle est de 532 en Europe et 170 en Allemagne. Pour le député, « on a baissé la garde depuis 2012, en laissant nos stocks stratégiqu­es, de masques FFP2 notamment, diminuer. Ils sont passés de 900 millions à 97 millions au 1er janvier 2020. Les gouverneme­nts successifs n’ont pas accordé au suivi du stock stratégiqu­e l’attention nécessaire. Ce fut une forme de désarmemen­t, parce qu’il y avait d’autres préoccupat­ions et, qu’au moment de la crise du virus H1N1, on avait reproché au gouverneme­nt d’en avoir trop fait… » Surtout, le rapport met l’accent sur la gestion chaotique de la crise. « Il y a eu une multiplica­tion néfaste des acteurs. Le chef de l’État a dit que nous étions en guerre, mais il n’y a pas eu de commandant en chef : nous avons eu une multitude de cellules, de comités, qui se sont concurrenc­és, créant une forme de confusion. Et on a retrouvé cette confusion au plan local, avec des conflits entre les préfets et les Agences régionales de santé (ARS). »

Une guerre sans chef

Éric Ciotti pointe les faiblesses de l’hôpital, mais aussi une stratégie unijambist­e : « On s’est, dans un premier temps, uniquement appuyé sur l’hôpital public. Cet hospitaloc­entrisme a mis à l’écart la médecine de ville et peu mobilisé le secteur privé. »

Des dommages collatérau­x

Il ajoute : « On nous a dit que l’hôpital avait tenu, c’est vrai, mais au prix de deux conséquenc­es lourdes. La déprogramm­ation de nombreux actes médicaux d’abord. Des dizaines de milliers d’interventi­ons ont été différées, des dépistages, de cancers notamment, n’ont pas eu lieu. Il y a eu pour de nombreux patients une perte de chances dans la prise en charge, dont nous mesurerons les conséquenc­es à long terme. Le second élément est que les personnes âgées ont moins eu accès aux services de réanimatio­n : il y a eu quelque 21 000 décès de personnes vivant en Ehpad et plus de 16 000 sont mortes sur place, sans être hospitalis­ées. Il y a eu là une forme, non officielle, de régulation. On a considéré que les Ehpad étaient des structures hospitaliè­res, ce qui n’est pas le cas. »

Les propositio­ns

Pour que « nous soyons mieux préparés et mieux armés demain face à une crise similaire », le rapport avance in fine une trentaine de propositio­ns.

Dont la création, auprès du Premier ministre, d’un ministère délégué à l’Anticipati­on des crises et à la relocalisa­tion en France des produits vitaux. « Il faut développer la culture du risque », souligne Éric Ciotti.

Il suggère également d’adosser à ce ministère un établissem­ent public de réponse aux urgences sanitaires, qui achèterait et gérerait les stocks stratégiqu­es.

« Il faut mettre le paquet pour mieux se préparer et que le Parlement puisse contrôler chaque année combien nous avons de masques, de réactifs, d’antiviraux… »

L’élu niçois propose, par ailleurs, de supprimer les ARS, « trop bureaucrat­iques et éloignées du terrain, pour les remplacer par des directions départemen­tales de la santé, placées sous l’autorité des préfets ». Et, enfin, de médicalise­r davantage les Ehpad. La commission d’enquête s’est penchée uniquement sur la gestion sanitaire de la crise. L’aspect économique n’entrait pas dans ses prérogativ­es.

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(Photo V.-M.) Éric Ciotti : « Nous devrons être mieux armés pour faire face à une crise similaire. »
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