Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Braquage raté à La Seyne : un pardon et des questions

Depuis hier, Cédric Jacquey est jugé à Draguignan pour une violente tentative de braquage commise en 2017 à La Seyne. L’accusé reste évasif sur son mobile

- V. W.

Aujourd’hui encore, Marie-Hélène S. sursaute au moindre bruit inhabituel. À la barre de la cour d’assises du Var, alors qu’elle raconte avec faconde les cinquante secondes de ce 11 septembre 2017 qui ont changé sa vie, elle se retourne vivement lorsque son mari, Alain, fait tomber sa bouteille en plastique. « Je suis désormais la reine des petits bruits » sourit-elle en s’excusant.

À la dérive

La cause de son tracas se trouve à quelques mètres sur sa droite. Penaud, mais insaisissa­ble. Cédric Jacquey semble sincère quand il exprime ses regrets d’avoir, cette nuit-là, tenté de braquer l’épicerie de La Barque, à La Seyne-surMer. Il est beaucoup moins convaincan­t lorsque sont abordées ses motivation­s. Face au pragmatism­e du président Didier Guissart, cette posture ne tient qu’un temps. Certes, Cédric Jacquey a vécu « une sale période » entre 2016 et 2017. Perdant successive­ment, en quelques mois, son grandpère, un oncle, son chien mais surtout sa mère, décédée après l’absorption d’un mélange d’alcool et de médicament­s. Le jeune homme, alors âgé de 25 ans, et déjà mal remis d’une rupture amoureuse, tombe dans la boisson. S’éloigne de son père et de son frère. Est licencié. Part à la dérive. « partir de ce moment-là, ça a été une descente aux enfers pour lui, raconte son meilleur ami. Ce qu’il a fait,

Àça ne lui ressemble pas. » Et pourtant, Cédric Jacquey est bien allé chercher le fusil de son père dans le local profession­nel de celui-ci. L’a chargé. Mis une cagoule, des gants, pris un sac de voyage et s’est rendu dans le commerce d’Alain et Marie-Hélène S., qu’il fréquentai­t par ailleurs comme client. Pourquoi ? « Pour l’argent sans doute, puisque les victimes disent que j’ai demandé la caisse, déduit l’accusé. Mais je n’en ai aucun souvenir. Je n’ai que des flashs. Je me souviens du coup de feu. De ma chute au sol. Puis de ma fuite. »

« Je te pardonne »

Le visionnage des bandes des caméras de vidéosurve­illance ne lui est d’aucun secours. Un peu moins d’une minute d’extrême violence pour Alain S., braqué plusieurs fois à bout touchant par Cédric Jacquey, et son épouse. « Mes réflexes d’ancien tireur d’élite ont repris le dessus, confie la victime. J’ai éloigné le canon sans jamais le tirer vers moi. » Dans l’altercatio­n qui s’ensuivait devant le commerce, un coup de feu partait. Accidentel, d’après l’apprenti braqueur... Qui repart sans argent, mais après avoir blessé Alain S. au visage et à la main. Et qui sera rapidement identifié par les enquêteurs. « Pendant deux ans, je voyais notre épicerie, ouverte toute la semaine jusqu’à deux heures du matin, comme une lanterne dans la nuit, poursuit le commerçant. Mais cette histoire a tout cassé. L’insoucianc­e a disparu...» À la question du président de ses attentes de ce procès, la première réponse d’Alain S. est un soupir. La seconde un pardon. Mais certaineme­nt pas une absolution. « Mon éducation me fait dire” je te pardonne, mec”, mais ça ne va pas effacer la cicatrice. » « Je m’excuse pour tout le mal que j’ai pu faire, avait anticipé plus tôt Cédric Jacquey. C’est minable. Impardonna­ble. » Mais ça n’explique pas tout...

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(Croquis Rémi Kerfridin) Les avocates de la défense Mes Cécile Lagier et Emily Linol-Manzo prendront la parole après les réquisitio­ns de l’avocat général.

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