L’économie varoise survit... sous perfusion
Si les défaillances d’entreprises n’explosent pas grâce aux divers mécanismes d’aide, les représentants des principaux secteurs d’activité expriment de grandes craintes pour l’avenir
Comment le tissu économique varois traverse-til la crise économique, conséquence de la pandémie ? Si les secteurs de la culture, du sport, de l’hôtellerierestauration sont en très grande difficulté, du fait de la fermeture des établissements, la situation est mitigée dans d’autres secteurs.
En voici un tour d’horizon, ainsi que les projections de leurs représentants.
■ L’agriculture s’en sort plus ou moins bien selon les filières
Toutes les filières de l’agriculture varoise ne sont pas logées à la même enseigne. « Les gens continuent à manger et le lien du circuit court fonctionne très bien, se félicite Fabienne Joly, présidente de la chambre d’agriculture du Var. Les petites structures maraîchères ou arboricoles s’en sortent, quand les plus grandes exploitations, qui travaillent avec la restauration ou les grandes enseignes, sont touchées ».
Du côté de l’élevage, il faudra attendre le printemps et les naissances pour connaître la tendance. L’horticulture varoise et le marché national d’Hyères limitent les dégâts grâce aux exportations mais connaissent tout de même une baisse de chiffre d’affaires de 20 %.
La viticulture est à la peine : «Les bars, restaurants sont fermés, les réunions de famille limitées. L’exportation est très touchée, sans oublier les taxes ajoutées par l’administration Trump. Je ne vois pas son successeur revenir dessus,
ajoute Fabienne Joly. Toutes les bouteilles non vendues jusqu’à présent ne le seront pas plus tard ».
La cellule de crise de la chambre d’agriculture est ouverte pour accompagner les professionnels en difficulté. Sont-ils au bord de la faillite ? « On est dans l’oeil du cyclone, répond Fabienne Joly. Tout va dépendre du déconfinement – parce que chacun chez soi à 18 heures c’est comme un confinement, ce que je ne critique pas – et de ce qu’il se passera au printemps, des relations avec les États-Unis ».
Que réserve l’avenir ? « Sans doute, il y aura de la casse, annonce-telle, mais aussi un rebond économique comme après toutes les crises».
■ « Une hécatombe en mars avril » selon l’UPV
« J’ai un peu de mal à comprendre pourquoi ça irait mieux en fermant à 18 h qu’à 20 h, ironise d’emblée Gérard Cerruti, président de l’Union patronale du Var (UPV).
Depuis que les restaurants sont fermés, la situation s’aggrave. Est-ce qu’elle s’améliorerait si on les rouvrait ? Sérieusement, le plus important c’est de respecter les gestes barrière et de les faire respecter. Dans la rue certaines personnes font n’importe quoi ».
À ses yeux, la situation des entreprises est « dramatique, notamment dans l’événementiel, l’hôtellerie-restauration, les spectacles, les musées, le sport. Je me demande comment elles tiennent même avec les aides de l’État, qui a fait de gros efforts. J’espère qu’il y aura un report des remboursements et une prorogation des crédits classiques. Sinon, on va voir une hécatombe de défaillances d’entreprises en mars avril et du chômage comme on n’en a jamais vu ».
Le patron des patrons varois estime que certaines sociétés sont un peu moins impactées, donnant en exemple la sienne (produits pour la Marine), qui a perdu 15 % du chiffre d’affaires en 2020 par rapport à 2019. Pour d’autres, comme les loueurs de locaux, c’est plus compliqué.
« Si en plus, ils pensent à confiner le week-end, c’est mort pour l’activité. Et beaucoup de gens vont souffrir », redoute Gérard Cerruti, qui demande « de vacciner les gens et de rouvrir les établissements fermés au plus vite ».
■ « Des métiers sacrifiés » dans l’artisanat
Le président de la chambre des métiers du Var, Roland Jolfo, ne fait pas dans le catastrophisme… Pour l’instant. « Quand on était sorti du premier confinement le 11 mai, on a vu une reprise en flèche de l’activité, plus les perspectives de l’été. Au final dans notre région, on s’en est plutôt pas mal sorti. Mais depuis, avec le couvre-feu, avancé de surcroît, c’est plus difficile, on le sent dans tous les métiers ».
Il analyse la situation par secteur : « Les artisans du bâtiment ont souvent des chantiers d’avance. Dans les métiers de bouche, hormis la restauration, ils s’en sortent tant bien que mal, un peu moins pour les boulangers orientés vers le snacking. Dans l’automobile, l’activité d’entretien et de réparation est là, mais le commerce de voitures neuves ou d’occasion est vraiment au ralenti ».
Il s’alarme pour les services à la personne, la beauté, le soin : «On leur demande des protocoles sanitaires très stricts, qu’ils appliquent et mettent en oeuvre. Grâce à cela et au respect des gestes barrière, il y a moins de risque qu’en faisant la queue à la caisse des supermarchés. Il y a des métiers sacrifiés, comme les coiffeurs, les esthéticiennes, les fleuristes ».
Roland Jolfo en profite pour rappeler que l’institution, qu’il préside, continue plus que jamais à accompagner les entreprises : « Que les entrepreneurs n’hésitent pas à faire appel à nous. On peut les aider gratuitement pour le numérique. Et on a des outils, que les gens connaissent peu, pour soutenir les plus en difficulté ».
Si pour l’instant il ne voit pas davantage de défaillances d’entreprises, c’est parce qu’elles sous perfusion avec les mesures prises par l’État, « mais il faudra payer à un moment donné, et ce sera d’autant plus dur si la reprise d’activité n’est pas au rendezvous ». Sans espoir de voir l’épidémie reculer, il n’envisage pas plus l’étincelle d’une reprise.
■ Le BTP vit sur ses acquis et redoute le trou d’air
Entre les mises en chantier de logements neufs, de locaux non résidentiels neufs pour le bâtiment et la commande publique essentielle aux travaux publics, le recul d’activité est de 18 à 20 % entre 2020 et 2019.
« L’outil de production est là, on a tenu. Mais la baisse de l’intérim est de 50 %, rappelle Cyril Bolliet, secrétaire général de la fédération du BTP. Les appels d’offres ont baissé de 40 % en 2020, et la commande publique représentant 70 % de l’activité des travaux publics, on craint les perspectives. On ne peut pas imaginer sortir de cet épisode par un trou d’air. Les non appels d’offres et les non-instructions de permis vont se ressentir d’ici fin 2021 ». Le temps est long dans ce secteur. Les réalisations en cours sont le prolongement de marchés décidés l’an passé.
Le président de la fédération, JeanJacques Castillon, précise : «On n’a pas de souci au premier semestre 2021. Pour 70 à 80 % des entreprises on vit sur l’acquis. On essaye de réduire la voilure sans l’intérim. Mais on a alerté les pouvoirs publics : il faut se mobiliser pour que l’instruction des permis de construire soit plus rapide. Et accélérer la dématérialisation car beaucoup de personnes de l’administration sont en télétravail. Sinon, ça va être une hécatombe ». Le secteur redoute de ne pas trouver le bout du tunnel.