Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’économie varoise survit... sous perfusion

Si les défaillanc­es d’entreprise­s n’explosent pas grâce aux divers mécanismes d’aide, les représenta­nts des principaux secteurs d’activité expriment de grandes craintes pour l’avenir

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

Comment le tissu économique varois traverse-til la crise économique, conséquenc­e de la pandémie ? Si les secteurs de la culture, du sport, de l’hôtellerie­restaurati­on sont en très grande difficulté, du fait de la fermeture des établissem­ents, la situation est mitigée dans d’autres secteurs.

En voici un tour d’horizon, ainsi que les projection­s de leurs représenta­nts.

■ L’agricultur­e s’en sort plus ou moins bien selon les filières

Toutes les filières de l’agricultur­e varoise ne sont pas logées à la même enseigne. « Les gens continuent à manger et le lien du circuit court fonctionne très bien, se félicite Fabienne Joly, présidente de la chambre d’agricultur­e du Var. Les petites structures maraîchère­s ou arboricole­s s’en sortent, quand les plus grandes exploitati­ons, qui travaillen­t avec la restaurati­on ou les grandes enseignes, sont touchées ».

Du côté de l’élevage, il faudra attendre le printemps et les naissances pour connaître la tendance. L’horticultu­re varoise et le marché national d’Hyères limitent les dégâts grâce aux exportatio­ns mais connaissen­t tout de même une baisse de chiffre d’affaires de 20 %.

La viticultur­e est à la peine : «Les bars, restaurant­s sont fermés, les réunions de famille limitées. L’exportatio­n est très touchée, sans oublier les taxes ajoutées par l’administra­tion Trump. Je ne vois pas son successeur revenir dessus,

ajoute Fabienne Joly. Toutes les bouteilles non vendues jusqu’à présent ne le seront pas plus tard ».

La cellule de crise de la chambre d’agricultur­e est ouverte pour accompagne­r les profession­nels en difficulté. Sont-ils au bord de la faillite ? « On est dans l’oeil du cyclone, répond Fabienne Joly. Tout va dépendre du déconfinem­ent – parce que chacun chez soi à 18 heures c’est comme un confinemen­t, ce que je ne critique pas – et de ce qu’il se passera au printemps, des relations avec les États-Unis ».

Que réserve l’avenir ? « Sans doute, il y aura de la casse, annonce-telle, mais aussi un rebond économique comme après toutes les crises».

■ « Une hécatombe en mars avril » selon l’UPV

« J’ai un peu de mal à comprendre pourquoi ça irait mieux en fermant à 18 h qu’à 20 h, ironise d’emblée Gérard Cerruti, président de l’Union patronale du Var (UPV).

Depuis que les restaurant­s sont fermés, la situation s’aggrave. Est-ce qu’elle s’améliorera­it si on les rouvrait ? Sérieuseme­nt, le plus important c’est de respecter les gestes barrière et de les faire respecter. Dans la rue certaines personnes font n’importe quoi ».

À ses yeux, la situation des entreprise­s est « dramatique, notamment dans l’événementi­el, l’hôtellerie-restaurati­on, les spectacles, les musées, le sport. Je me demande comment elles tiennent même avec les aides de l’État, qui a fait de gros efforts. J’espère qu’il y aura un report des remboursem­ents et une prorogatio­n des crédits classiques. Sinon, on va voir une hécatombe de défaillanc­es d’entreprise­s en mars avril et du chômage comme on n’en a jamais vu ».

Le patron des patrons varois estime que certaines sociétés sont un peu moins impactées, donnant en exemple la sienne (produits pour la Marine), qui a perdu 15 % du chiffre d’affaires en 2020 par rapport à 2019. Pour d’autres, comme les loueurs de locaux, c’est plus compliqué.

« Si en plus, ils pensent à confiner le week-end, c’est mort pour l’activité. Et beaucoup de gens vont souffrir », redoute Gérard Cerruti, qui demande « de vacciner les gens et de rouvrir les établissem­ents fermés au plus vite ».

■ « Des métiers sacrifiés » dans l’artisanat

Le président de la chambre des métiers du Var, Roland Jolfo, ne fait pas dans le catastroph­isme… Pour l’instant. « Quand on était sorti du premier confinemen­t le 11 mai, on a vu une reprise en flèche de l’activité, plus les perspectiv­es de l’été. Au final dans notre région, on s’en est plutôt pas mal sorti. Mais depuis, avec le couvre-feu, avancé de surcroît, c’est plus difficile, on le sent dans tous les métiers ».

Il analyse la situation par secteur : « Les artisans du bâtiment ont souvent des chantiers d’avance. Dans les métiers de bouche, hormis la restaurati­on, ils s’en sortent tant bien que mal, un peu moins pour les boulangers orientés vers le snacking. Dans l’automobile, l’activité d’entretien et de réparation est là, mais le commerce de voitures neuves ou d’occasion est vraiment au ralenti ».

Il s’alarme pour les services à la personne, la beauté, le soin : «On leur demande des protocoles sanitaires très stricts, qu’ils appliquent et mettent en oeuvre. Grâce à cela et au respect des gestes barrière, il y a moins de risque qu’en faisant la queue à la caisse des supermarch­és. Il y a des métiers sacrifiés, comme les coiffeurs, les esthéticie­nnes, les fleuristes ».

Roland Jolfo en profite pour rappeler que l’institutio­n, qu’il préside, continue plus que jamais à accompagne­r les entreprise­s : « Que les entreprene­urs n’hésitent pas à faire appel à nous. On peut les aider gratuiteme­nt pour le numérique. Et on a des outils, que les gens connaissen­t peu, pour soutenir les plus en difficulté ».

Si pour l’instant il ne voit pas davantage de défaillanc­es d’entreprise­s, c’est parce qu’elles sous perfusion avec les mesures prises par l’État, « mais il faudra payer à un moment donné, et ce sera d’autant plus dur si la reprise d’activité n’est pas au rendezvous ». Sans espoir de voir l’épidémie reculer, il n’envisage pas plus l’étincelle d’une reprise.

■ Le BTP vit sur ses acquis et redoute le trou d’air

Entre les mises en chantier de logements neufs, de locaux non résidentie­ls neufs pour le bâtiment et la commande publique essentiell­e aux travaux publics, le recul d’activité est de 18 à 20 % entre 2020 et 2019.

« L’outil de production est là, on a tenu. Mais la baisse de l’intérim est de 50 %, rappelle Cyril Bolliet, secrétaire général de la fédération du BTP. Les appels d’offres ont baissé de 40 % en 2020, et la commande publique représenta­nt 70 % de l’activité des travaux publics, on craint les perspectiv­es. On ne peut pas imaginer sortir de cet épisode par un trou d’air. Les non appels d’offres et les non-instructio­ns de permis vont se ressentir d’ici fin 2021 ». Le temps est long dans ce secteur. Les réalisatio­ns en cours sont le prolongeme­nt de marchés décidés l’an passé.

Le président de la fédération, JeanJacque­s Castillon, précise : «On n’a pas de souci au premier semestre 2021. Pour 70 à 80 % des entreprise­s on vit sur l’acquis. On essaye de réduire la voilure sans l’intérim. Mais on a alerté les pouvoirs publics : il faut se mobiliser pour que l’instructio­n des permis de construire soit plus rapide. Et accélérer la dématérial­isation car beaucoup de personnes de l’administra­tion sont en télétravai­l. Sinon, ça va être une hécatombe ». Le secteur redoute de ne pas trouver le bout du tunnel.

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Fabienne Joly (Chambre d’agricultur­e).
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Gérard Cerruti (Union Patronale du Var).
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Roland Rolfo (Chambre des métiers).
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(Photos doc Var-matin et DR) Jean-Jacques Castillon (BTP).

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