Trufficulture : le numérique comme bouée de sauvetage
Confrontés à la crise sanitaire, les trufficulteurs doivent écouler leur stock. Si la vente en ligne n’est pas franchement plébiscitée, c’est pour certains producteurs un moyen de limiter les dégâts
Minimum de commande 100 g, livraison possible selon quantité et localisation, expédition par Chronopost 24h à la charge du client. N’hésitez pas à me contacter pour plus d’information. » Le texte publié sur la page Facebook du trufficulteur Stephan Davit, “La truffe d’Aups”, ressemble à s’y méprendre à une petite annonce qu’on aurait pu lire sur Le bon coin. Et pourtant, on parle là de truffes. Surprenant ? Pas vraiment.
La crise sanitaire impacte tous les secteurs, et celui de la tuber melanosporum n’est pas épargné. Produit de luxe pour les gourmets de tous horizons, le champignon ne réalise pas une saison extraordinaire pour ce qui est de la quantité récoltée. Mais même si les pépites noires sont moins nombreuses, la clientèle qui d’habitude vide les stocks des trufficulteurs l’est encore davantage. Et on ne parle évidemment pas là des particuliers, qui eux répondent présents chaque jeudi sur la place Frédéric-Mistral, à Aups. Non, ceux qui passent leur tour, ce sont les restaurateurs. Et pour cause : « Il est à parier que quand la saison de la truffe sera terminée [début mars environ, NDLR] , ils ne seront toujours pas rouverts… »
Quelques ventes sur le Net C’est Philippe de Santis, l’emblématique président du syndicat des trufficulteurs, qui parle. Confrontés à l’absence de cette clientèle professionnelle, qui représente parfois 50 % des ventes réalisées par les producteurs, certains ont donc décidé de réagir. De s’adapter. C’est le cas de Stephan Davit.
« C’est ma belle fille, qui travaille justement dans la restauration, qui m’a créé la page Facebook et c’est elle qui s’en occupe. » De la publication des annonces, avec des prix actualisés, aux prises de commande, la tâche est « maousse ». « Moi, je ne peux pas m’en charger» , souligne le trufficulteur. Une façon de dire que lorsque la bellefille retournera au travail, l’activité numérique de la page pourrait bien en pâtir. Mais nous n’en sommes pas encore là !
Pour l’heure, le « rabassier » trouve sur Internet une manière d’écouler des stocks. «On ne vend pas tout sur les marchés, et on ne travaille plus avec les pros. Alors sur la toile, ça permet de réaliser quelques ventes. » Sans pour autant qu’il s’agisse là d’une solution pérenne. « Les gens sont méfiants, par téléphone ou par mail. Ils posent des questions sur la qualité, sur le poids, sur la taille… C’est normal, mais il faut répondre. » Et c’est chronophage.
Le mystère de la truffe…
Aux yeux de Laurent Péricat, responsable de la Maison de la truffe, à Aups, il ne s’agit pas là de la seule raison qui explique la frilosité des producteurs à s’afficher sur la Toile. « En plus de son goût, la truffe tire son intérêt du mystère qu’elle suscite… » Un fantasme à assouvir, la brouillade de diamant noir ? Pourquoi pas.
Mais la faible présence numérique des trufficulteurs s’analyse aussi sociologiquement. « Les professionnels sont peu nombreux à ne vivre que de la truffe. C’est généralement un complément de revenus. De plus, les producteurs sont souvent des personnes peu à l’aise avec les nouvelles technologies. »
Alors, pour pallier cette fracture numérique, la Maison de la truffe, lorsqu’elle est contactée, oriente le consommateur directement chez les propriétaires. Une solution qui sied à Philippe de Santis : « Au moins, on peut comprendre les attentes des clients, les conseiller… » Un contact qu’aucun algorithme numérique ne pourra remplacer. Pour l’instant…