Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Jambe arrachée sur la route : « J’entends ses excuses… »

Un automobili­ste avait continué sa route après avoir percuté une jeune femme à La Crau. Il a été condamné pour « non-assistance à personne en danger »

- ERIC MARMOTTANS

Jade a perdu sa jambe droite au petit matin du dimanche 3 décembre 2017. Sur les réseaux sociaux, cette battante âgée d’une vingtaine d’années éblouit son entourage et ses abonnés de ses leçons de vie. L’automobili­ste qui l’avait laissée pour morte, sur le chemin Long à La Crau, a été condamné à deux ans de prison avec un sursis probatoire. Le tribunal a accepté de ne pas faire figurer cette condamnati­on sur la partie de son casier judiciaire accessible à son employeur.

L’Audi de papa

Depuis les faits, le jeune homme, renonçant à une carrière d’ingénieur, est devenu pompier volontaire comme pour expier une faute qu’il a continué de nier lors de son procès à Toulon. « Laissez-le intervenir sur ces accidents, laissez-le accomplir pour la société ce qu’elle attend de lui », a plaidé son avocat.

Le prévenu, alors âgé de 22 ans, était au volant de l’Audi prêtée par son père quand il a fait basculer la vie de Jade vers 5 heures du matin. La victime et le prévenu, chacun de leur côté, rentraient d’une longue soirée en boîte de nuit à La Garde.

Elle se trouvait sur la chaussée après une dispute avec les deux amis qui l’accompagna­ient. La Clio du trio était tombée en panne après avoir heurté le bord d’un rond-point, Jade s’était alors éloignée à pied. L’accident s’est produit soixante mètres plus loin, dans l’obscurité. Un expert a démontré que le conducteur – qui circulait à 70 km/h sur une route limitée à 90 km/h – aurait pu tenter une manoeuvre réflexe en apercevant la jeune femme au dernier moment. Ce laps de temps a été évalué à 2,5 secondes. Mais aucune trace de freinage n’a été décelée. Le conducteur maintient qu’il ne s’est aperçu de rien. Enfin, presque rien.

« Comme un oiseau sur le pare-brise »

Il a dit avoir entendu un bruit comparable à celui « d’un oiseau [qui aurait] heurté le pare-brise ». Son passager a ressenti « une secousse ». Mais l’Audi ne s’est pas arrêtée, laissant derrière elle un rétroviseu­r et un morceau de pare-chocs, et les deux jeunes hommes, plus ou moins éméchés, sont rentrés chez eux. « [Le prévenu] a fait le choix de ne rien faire », a conclu le procureur Jean-Baptiste Sirvante.

Jade ne doit sa survie qu’à ses amis. Eux ont entendu un bruit impression­nant après avoir vu l’Audi dépasser la Clio aux feux de détresse clignotant­s. Ils ont découvert la victime séparée de sa jambe. Jade se vidait de son sang. L’enquête des gendarmes a progressé rapidement et le chauffard a été tiré du lit, chez ses parents, un peu après 10 heures.

Au tribunal, poussé dans ses retranchem­ents par la présidente Christel Estienne-Garcia, le jeune homme a murmuré des regrets tout en maintenant la version dont il s’est convaincu il y a trois ans. « J’entends ses excuses ,aréagila victime qui, selon son avocate, aurait pu pardonner l’accident. Mais j’ai un peu de mal à croire qu’il ne m’a pas sentie .»

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(Photo D.L.) Le prévenu a soutenu sans convaincre qu’il n’avait pas pris la mesure de la gravité des faits.

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