Jambe arrachée sur la route : « J’entends ses excuses… »
Un automobiliste avait continué sa route après avoir percuté une jeune femme à La Crau. Il a été condamné pour « non-assistance à personne en danger »
Jade a perdu sa jambe droite au petit matin du dimanche 3 décembre 2017. Sur les réseaux sociaux, cette battante âgée d’une vingtaine d’années éblouit son entourage et ses abonnés de ses leçons de vie. L’automobiliste qui l’avait laissée pour morte, sur le chemin Long à La Crau, a été condamné à deux ans de prison avec un sursis probatoire. Le tribunal a accepté de ne pas faire figurer cette condamnation sur la partie de son casier judiciaire accessible à son employeur.
L’Audi de papa
Depuis les faits, le jeune homme, renonçant à une carrière d’ingénieur, est devenu pompier volontaire comme pour expier une faute qu’il a continué de nier lors de son procès à Toulon. « Laissez-le intervenir sur ces accidents, laissez-le accomplir pour la société ce qu’elle attend de lui », a plaidé son avocat.
Le prévenu, alors âgé de 22 ans, était au volant de l’Audi prêtée par son père quand il a fait basculer la vie de Jade vers 5 heures du matin. La victime et le prévenu, chacun de leur côté, rentraient d’une longue soirée en boîte de nuit à La Garde.
Elle se trouvait sur la chaussée après une dispute avec les deux amis qui l’accompagnaient. La Clio du trio était tombée en panne après avoir heurté le bord d’un rond-point, Jade s’était alors éloignée à pied. L’accident s’est produit soixante mètres plus loin, dans l’obscurité. Un expert a démontré que le conducteur – qui circulait à 70 km/h sur une route limitée à 90 km/h – aurait pu tenter une manoeuvre réflexe en apercevant la jeune femme au dernier moment. Ce laps de temps a été évalué à 2,5 secondes. Mais aucune trace de freinage n’a été décelée. Le conducteur maintient qu’il ne s’est aperçu de rien. Enfin, presque rien.
« Comme un oiseau sur le pare-brise »
Il a dit avoir entendu un bruit comparable à celui « d’un oiseau [qui aurait] heurté le pare-brise ». Son passager a ressenti « une secousse ». Mais l’Audi ne s’est pas arrêtée, laissant derrière elle un rétroviseur et un morceau de pare-chocs, et les deux jeunes hommes, plus ou moins éméchés, sont rentrés chez eux. « [Le prévenu] a fait le choix de ne rien faire », a conclu le procureur Jean-Baptiste Sirvante.
Jade ne doit sa survie qu’à ses amis. Eux ont entendu un bruit impressionnant après avoir vu l’Audi dépasser la Clio aux feux de détresse clignotants. Ils ont découvert la victime séparée de sa jambe. Jade se vidait de son sang. L’enquête des gendarmes a progressé rapidement et le chauffard a été tiré du lit, chez ses parents, un peu après 10 heures.
Au tribunal, poussé dans ses retranchements par la présidente Christel Estienne-Garcia, le jeune homme a murmuré des regrets tout en maintenant la version dont il s’est convaincu il y a trois ans. « J’entends ses excuses ,aréagila victime qui, selon son avocate, aurait pu pardonner l’accident. Mais j’ai un peu de mal à croire qu’il ne m’a pas sentie .»