Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Macron tout seul

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

La paternité de la formule revient à Valéry Giscard d’Estaing. En , il reprocha au général de Gaulle son « exercice solitaire du pouvoir ». Certes, le fondateur de la Ve République décidait seul sur les grandes questions régalienne­s, pour le reste il laissa ses Premiers ministres successifs « déterminer et conduire la politique de la Nation », selon l’article  de la Constituti­on. Il suffit de lire les Mémoires de Michel Debré pour le comprendre. Tous les successeur­s du général de Gaulle ont souffert de la même critique, il est vrai qu’ils ont de plus en plus concentré le pouvoir à l’Elysée. Tous cependant avaient eu un long parcours électoral et initiatiqu­e, tous étaient accompagné­s de compagnons et de troupes expériment­és. Bref, ils ne gouvernaie­nt pas dans la même solitude que celle qu’a choisie Emmanuel Macron. Une solitude voulue et dont, de toute évidence, il jouit.

Certes, il consulte, s’informe, échange, comme s’emploie à le dire l’Elysée, mais il est bel et bien le seul maître à bord sur les grands et les petits dossiers. Le chef du gouverneme­nt et les ministres ne sont plus que des moussaillo­ns, de simples ‘’collaborat­eurs’’ comme l’avait dit Nicolas Sarkozy à propos de François Fillon, de manière d’ailleurs caricatura­le car, à l’examen, son rôle est allé bien au-delà. Les mesures prises le  janvier dernier, fondées sur un refus délibéré de reconfiner, sont donc de la responsabi­lité exclusive du Président même s’il a laissé Jean Castex les présenter. Ni le chef du gouverneme­nt, ni le ministre de la santé, ni le conseil scientifiq­ue n’étaient sur cette ligne-là. Tous ont dû ravaler le chapeau du confinemen­t. Très indigeste ! Et sans doute pas sans conséquenc­e sur le moral de certains. Naturellem­ent, il faut souhaiter que les choix présidenti­els suffisent à éviter un nouvel enfermemen­t généralisé même s’ils sont d’abord politiques et liés à l’horizon électoral de . En s’accaparant la totalité des décisions sur la pandémie – comme sur tous les autres dossiers – Emmanuel Macron espère devenir le thaumaturg­e en chef du pays, le seul guérisseur des Français. Mais, si tout ne marche pas comme il l’espère, il peut en devenir aussi le Diafoirus. Or il avance sur un terrain difficile. La situation actuelle de la France est loin d’être exemplaire. Sur la vaccinatio­n mais aussi sur son bilan pandémique comme le montre, hélas, une étude très sérieuse du Lowy Institute, un groupe de recherche australien, indépendan­t et non partisan. « L’indice de performanc­e Covid », qu’il a établi à partir de six critères, et appliqué à  pays, place la France en e position. Autant dire que, en dépit des propos récurrents du gouverneme­nt sur une situation qui serait moins mauvaise que celle de nos voisins, le pouvoir solitaire et sanitaire d’Emmanuel Macron n’a pas encore fait ses preuves.

« Emmanuel Macron espère devenir le thaumaturg­e en chef du pays, le seul guérisseur des Français. »

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